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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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A déguster sans modération | | | Evelyn Waugh Une poignée de cendres La Découverte - Culte fictions 2003 / 13 € - 85.15 ffr. / 277 pages ISBN : 2-7071-4150-X FORMAT : 13x19 cm Imprimer
Evelyn Waugh (1903-1966) aurait eu cent ans cette année, et les éditeurs français sen donnent à cur joie pour remettre à lhonneur luvre abondante et géniale de cet iconoclaste, catholique acerbe, réactionnaire provocateur, grand voyageur et doté dune plume drolatique et cruelle. Si Evelyn Waugh nest pas assez connu en France, il demeure un auteur culte en Angleterre, notamment avec lénorme succès de Brideshead Revisited (1945) qui fut adaptée en série pour la télévision anglaise en 1981 et dans laquelle débuta un certain Jeremy Irons. Graham Green reconnaissait en Waugh le plus grand écrivain anglais de lentre-deux guerres.
Et même si Une poignée de cendres a été écrit en 1934 à linstar dautres romans de Waugh, il fut adapté au cinéma en 1987, avec Kristin Scott-Thomas , même sil met en scène des aristocrates anglais, on ne se sent jamais exilé dans une époque et un milieu qui ne seraient pas les nôtres. Car Waugh fait preuve dune pensée extraordinairement moderne, voire post-moderne avant lheure. Déjà déplorait-il en son temps la désinformation journalistique (Scoop, 1938), la démocratisation et la commercialisation de la culture, la perte des repères et des valeurs traditionnelles. Mais par son style léger, absurde, incongru, Waugh se rapproche incontestablement dun P.G.
Wodhouse, voire dun Woody Allen en bonne forme !
Une poignée de cendres agit comme un cocktail sucré au début, enivrant au bout de quelques heures, et qui finit par terrasser par surprise. On rentre en effet facilement et rapidement dans lintimité de Brenda et Tony, aristocrates anglais du début du siècle, qui entretiennent avec difficulté leur château situé dans la campagne, à une heure de Londres. Malgré son fils John, Brenda sennuie et va semparer dune rencontre avec un individu, Beaver, qui nest pas de son rang et que son mari a invité à venir passer un week-end à la campagne, pour la transformer en aventure qui lui permettra de passer le plus clair de son temps à Londres.
Cette première partie du roman est pétillante et jubilatoire. Evelyn Waugh aligne les bons mots et lon se surprend à rire à haute voix de ses descriptions piquantes et des situations cocasses que tous les personnages traversent. Le comique tient ici surtout aux différences de classes entre les personnages. Une fois que ladultère est consommé et que la rupture entre Tony et Brenda devient inévitable, le roman bascule soudainement dans une autre dimension. La mort sinvite en effet à limproviste et prend de court. Malgré cela, Evelyn Waugh ne cesse den rire et de nous faire rire de la situation avec un savoureux décalage.
Et puis commence encore un nouveau roman, le troisième, qui est presque un récit de voyage à la mode des explorateurs de la fin du XIXe siècle, comme Alexandra David-Neel. Tony part en voyage en Amazonie et doit affronter tous les périls imaginables. Tout cela finira de manière rocambolesque pour cet aristocrate aventurier, qui sen sortira ou pas
puisque le lecteur dispose de deux conclusions possibles et peut choisir entre une fin heureuse ou tragique !
Cest justement cette oscillation constante entre le tragique et le comique qui fait la force et la faiblesse de ce roman. Sa force, parce quon ne cesse de sourire, dêtre surpris par les rebondissements du récit, par les mots desprit de lauteur, par son ironie mordante et la vivacité de son style ; sa faiblesse, parce quen nous obligeant à conserver cette distance vis-à-vis de son uvre et à ne jamais confondre la littérature et la réalité, il nous interdit également de rentrer complètement dans lhistoire et de nous laisser transporter par elle. Le style est à limage de lhistoire : plein de verve et de brio, mais restant malgré tout superficiel. Il est également à limage de ces aristocrates anglais qui, même dans les situations les plus graves et les plus ridicules, tiennent à tout prix à conserver les apparences et un semblant de dignité, ce qui les rend dailleurs dautant plus comiques dans ce récit.
Reste quil sagit dun roman, sans doute par le meilleur de Waugh, diablement agréable à lire et rempli dhumour. Il donnera surtout envie à ceux qui ne la connaissent pas de se précipiter sur le reste de luvre dEvelyn Waugh. Finalement, le cocktail savère survitaminé, un véritable antidote à une journée de grisaille hivernale.
Catherine Fargetton ( Mis en ligne le 15/12/2003 ) Imprimer | | |
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