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Littérature -> Littérature Américaine |
| Joyce Carol Oates Délicieuses Pourritures J'ai lu 2005 / 3.50 € - 22.93 ffr. / 125 pages ISBN : 2-290-34188-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduit de langlais (États-Unis) par Claude Seban. Imprimer
Au journaliste qui la qualifiait un jour de «bourreau de travail», Joyce Carol Oates répondit ceci : «Lécriture et lenseignement ont toujours été pour moi tellement gratifiants que je ne les considère pas comme un travail au sens habituel du terme.» Professeur de littérature à luniversité de Princeton, elle mène depuis quarante ans une carrière littéraire des plus impressionnantes, alignant une centaine duvres à son actif ! Romans, nouvelles, poésie, théâtre ou essais, Joyce Carol Oates sessaie à tous les genres avec le même talent. Unanimement louée par la critique internationale, elle peut également senorgueillir de deux «nominations» dans la liste des finalistes du Prix Nobel de littérature.
Prévenons demblée les esprits chagrins ou jaloux qui souhaiteraient que la quantité finisse par nuire à la qualité : Délicieuses pourritures se dévore de bout en bout, laissant le lecteur foncièrement admiratif devant son impeccable construction, sa densité et sa complexité. Quelques éléments distillés dans les deux premiers chapitres suffisent à saisir lintrigue. Lors dune visite au Louvre, Gillian, la narratrice, voit un totem qui lui ramène en mémoire un épisode tragique vécu vingt-cinq ans auparavant la disparition de deux personnes aimées au cours dun incendie. Que sest-il vraiment passé ?
Gillian ouvre le journal de ses souvenirs. «Ceci nest pas une confession. Comme vous le verrez, je nai rien à confesser», dit-elle.
Flashback. Une université du Massachussetts dans les années 1975. Comme beaucoup de ses camarades, Gillian a succombé au charme vénéneux dun de ses professeurs, Andre Harrow. Grand admirateur de D.H. Lawrence, il enseigne à ses étudiantes que pour cet écrivain si scandaleux en son temps «lamour sensuel, sexuel, charnel est notre raison dexister. Il détestait lamour de devoir (
) pour les parents, la famille, la patrie, Dieu.» À linstar du sulfureux romancier, Andre prône lépanouissement des sens et rejette toute idée de moralité : «Quest-ce que la moralité sinon une laisse autour du cou ? Une corde ?
sinon ce que les autres veulent que vous fassiez pour leurs propres raisons égoïstes et informulées ?» La relation quil entretient avec ses élèves se nourrit dambiguïté, de désirs avoués ou non. Il est ce père quelles souhaitent incestueux, dont toutes cherchent la reconnaissance, quitte à shumilier. Quant à lépouse dAndre, Dorcas, qui sculpte dobscènes totems, elle choisit parfois des «stagiaires» parmi les élèves de son mari. Pour faire quoi au juste ? Rien nest vraiment dit. On imagine, on devine.
Latmosphère est lourde de tensions. Incendies criminels, tentatives de suicide
Gillian samuse à brouiller les pistes. Où est la vérité ? «Jamais cela neut de réalité à mes yeux. Jamais cela ne me semblerait autre chose quun rêve confus.» Le lecteur doit-il faire confiance à la narratrice ou bien construire sa propre interprétation ? Le conte de fées «érotico-gothique» se double donc dune réflexion éclairée sur lart de la fiction. Le titre Délicieuses pourritures et lépigraphe sont un nouvel hommage à D.H. Lawrence. Joyce Carol Oates avait choisi Beasts (daprès le recueil Oiseaux, bêtes et fleurs), le traducteur a retenu loxymore qui correspond tout à fait à lambiance empoisonnée de cet excellent roman. Chapeau bas, madame Oates !
Florence Cottin ( Mis en ligne le 16/11/2005 ) Imprimer
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