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Montaigne versus Calvin
Un entretien avec Jean-Christophe Rufin - auteur de Rouge Brésil
Gallimard - Blanche 2001 /  20.92 € - 137.03 ffr. / 560 pages
Goncourt 2001
ISBN : 2-07-076198-3
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Parutions.com : D’où vous est venue l’idée de ce livre?

Jean-Christophe Rufin : J’ai passé deux ans au Brésil en coopération. J’ai visité un petit musée à Rio entre gratte-ciels et autoroutes où se trouvait une exposition sur la cité au moment de sa découverte. J’ai constaté qu’il existe encore un énorme champ de recherche sur cette période, mais je ne voyais pas comment rendre cette Histoire vivante. Quand j’ai découvert que des enfants étaient enlevés pour servir de truchement, j’ai tout de suite vu que, grâce à eux, je tenais la trame de mon roman. Cela avait sans doute une résonance personnelle : mes héros n’ont jamais de père. Par mes lectures, j’ai retrouvé la perception par les Européens du bon sauvage, mythe qui tire sa source de cet épisode brésilien et installe l’image de l’Indien. Au début, les sauvages faisaient horreur, d’où l’idée de les civiliser, leur apporter foi et pudeur. Avec Montaigne, la vision de l’Indien bascule : ce ne sont pas eux les barbares, les cannibales, c’est nous. S’impose le rêve, repris par Rousseau, du bon sauvage, respectueux de la nature. Toutes les contradictions du sauvage ou de l’homme primitif se trouvaient là, à travers ces expéditions vers le Brésil. Lévi-Strauss va travailler dans ces tribus indiennes et emporte Jean Deliry, son bréviaire pour écrire Tristes Tropiques.

Parutions.com : En réalité, cette colonisation a été de courte durée, comment expliquer que les Normands soient restés dans un fort, isolés ?

Jean-Christophe Rufin : La colonie n’a duré que cinq ans, la présence française un siècle. Les Normands ont continué à exploiter le bois rouge. Certains sont devenus des pirates, du côté des Indiens. N’oublions pas que les premiers conquérants étaient des chevaliers de Malte qui ne concevaient une présence marine que par un fort. Ils ne voulaient voir personne, ils mettaient au point des techniques de guerre statiques. Lorsque Calvin a envoyé des huguenots, il y a eu des querelles théologiques terribles.

Parutions.com : Qu’ont découvert les enfants, vos héros ?

Jean-Christophe Rufin : Les gamins cherchaient leur père. Finalement ils ont trouvé un prolongement de ce monde mythique de la chevalerie, empreint de magie, de mystère. Ils font un pont entre ce temps révolu et les valeurs de la Renaissance.

Parutions.com : Est-ce une période charnière de l’Histoire ?

Jean-Christophe Rufin : Oui, c’est le passage entre les cinquante premières années de ce XVIème siècle de bouillonnement spirituel et intellectuel - Michel-Ange, Érasme, des idées de progrès, de réforme de la foi, de liberté novatrice - et un repli sur soi où chacun jette l’anathème sur l’autre. Les anabaptistes sont là pour montrer qu’il se passait des choses effrayantes. Pour eux, puisque la grâce ne pouvait être donnée que par Dieu, l’Église ne servait à rien. C’est la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations de la religion. Calvin va essayer de reconstruire une Eglise, une autorité, un dogme. On va jusqu’à justifier la mise à mort des hérétiques. Quiconque s’éloigne de la vraie foi peut être mis à mort. Dieu est chassé du paradis terrestre, du monde des vivants.

Parutions.com : Et ces Indiens, à quoi ressemblaient-ils ?

Jean-Christophe Rufin : Ces Indiens n’existent plus, on sait qu’ils avaient une spiritualité forte, qu’ils vivaient souvent dans la terreur des esprits. Des chamans avaient des fonctions d’interprétation des esprits. Ils nous laissent un message : la sacralisation de la vie.
L’anthropophagie, par exemple, a été mal comprise. Les Indiens mangeaient les autres dans le cadre d’un équilibre des forces où la vie s’absorbe pour redonner vie. Ils absorbaient en fait la force de l’autre ! Pour Colombe, vivre avec les Indiens, c’est rester soi-même. C’est accepter une conception de la vie fondée, non sur la transformation du monde, mais sur une harmonie, une abondance. Sur le plan des idées, de la musique, il s’agit non pas de détruire l’autre mais d’accepter le mélange, de digérer, de brasser sa culture. L’approche indienne est celle de digestion-incorporation, elle prône les valeurs du métissage. La société brésilienne reste un modèle de digestion des différences.


Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson
( Mis en ligne le 24/09/2001 )
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