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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Le Cas Jésus dans sa relation au judaïsme : sources, interprétations et récupérations au cœur de deux religions | | | Peter Tomson L'affaire Jésus et les Juifs Cerf - Lire la Bible 2003 / 18 € - 117.9 ffr. / 184 pages ISBN : 2-204-07165-X FORMAT : 14x22 cm
L'auteur du compte rendu: Perrine Cayron, après une hypokhâgne et une khâgne en Lettres classiques, a poursuivi son cursus en histoire. Elle est l'auteur d'un mémoire de maîtrise sur Jacob et sa maison aux temps carolingiens sous la direction d'Yves Sassier. Elle est actuellement enseignante. Imprimer
Dans cet ouvrage, le théologien réformé Peter Tomson sattaque à un sujet non seulement très ancien, très étudié et qui fait débat au sein des Eglises chrétiennes. Désigné comme le spécialiste le mieux indiqué pour travailler sur «les racines religieuses de la haine des Juifs» (p.7) par la Fondation pour lEtude scientifique de la Littérature chrétienne sur les Juifs et le judaïsme, lauteur nous livre ici une version plus concise de son importante étude traduite en français sous le titre Jésus et les auteurs du Nouveau Testament dans leur relation au judaïsme (Editions du Cerf, «Initiations bibliques», 2003). Le titre du présent ouvrage annonce le lien indéfectible qui unit Jésus et les Juifs et pour cela se propose daborder trois problèmes successivement : ce que représente Jésus aussi bien pour les chrétiens que pour les Juifs ; les significations et le déroulement de son procès et de sa crucifixion et enfin les origines de lantagonisme général et répandu qui existe entre Juifs et chrétiens. Les huit chapitres se partagent entre un effort de remise en contexte de «lAffaire Jésus et les Juifs» (p.15-24), une large place accordée au «Jésus historique» (p.25-38 et p.53-78) et enfin les trois derniers temps de louvrage sont consacrés au traitement par les sources néotestamentaires des événements ultérieurs à la mort de Jésus.
Un souci affiché de vulgarisation et de simplicité, parfois pesant notamment dans le questionnement trop souvent artificiel, révèle un ton un peu trop didactique dont on se demande au premier abord sil provient du style décriture ou de la traduction. Lentrée en matière est assez tardive et se fait après un chapitre introductif trop bref pour rendre compte exactement des évolutions, mais trop long pour servir de propédeutique, et somme toute bien plus prometteur que ne lest le contenu général de louvrage.
En effet, si les renvois scripturaires savèrent satisfaisants, seules les sources bibliques et canoniques sont systématiquement et uniquement mentionnées. Lauteur a pris le parti (scientifiquement difficile à défendre) de ne mentionner que ponctuellement et «exceptionnellement» (p.13 : «Pour éviter de surcharger, les sources juives ou non bibliques ne sont données quexceptionnellement») les sources juives et non bibliques alors quil affirme: «Les sources juives anciennes savèrent ici capitales. [...] Les manuscrits récemment découverts, la littérature rabbinique, ainsi que les écrits judéo-hellénistiques sont également très importants» (p.33-34). Il eût été grandement bénéfique pour le lecteur néophyte que la réciprocité incontournable entre le judaïsme et Jésus évoquée en introduction se poursuivît sur la totalité de lenquête ici menée. Le reproche essentiel que nous faisons à la conception et à la démarche de louvrage est loption qui consiste à vouloir éclairer un problème très ancien, déjà fort étudié car placé au cur même du christianisme, à laide dune catégorie de sources (bibliques dabord, canoniques ensuite et chrétiennes dans un dernier temps car écrites par des chrétiens pour des chrétiens dans un but affiché de sanctification et de glorification dune Eglise) qui ne rend pas compte de façon totalement objective de ce que fut Jésus en tant quhomme : aussi bien son héritage et sa pratique du judaïsme jusquà sa mort, le milieu juif et dissident juif (ses affinités avec les courants essenien et pharisien) qui fut le sien ainsi que les positions qui le font sortir de son milieu juif dorigine.
Or précisément, létude de lhomme que fut Jésus, aussi bien respectueux et pratiquant que contestant et déviant, ne peut se faire quà partir des sources qui émanent dabord de ce milieu juif galiléen qui fut le sien trente ans durant, et ensuite des sources chrétiennes. Le biais de cette méthode est trop évident, qui voudrait éclairer la vie et les geste dun individu à la seule lumière des écrits de ses disciples et de ses sectateurs. Létude des sources juives anciennes, des cinq livres du Pentateuque et du reste de lAncien Testament, dans lesprit de ce que représentent ces livres religieux pour les communautés juives et non pas dans un esprit exclusif qui suppose que les éléments de lAncien Testament sont présents comme antétypes et en attente daccomplissement dans le Nouveau Testament, aurait sans aucun doute enrichit davantage le contenu de cet ouvrage.
La position de lauteur vis-à-vis des éléments quil souhaite éclaircir se révèle souvent gênante : en effet, dans les chapeaux dintroduction de chaque chapitre, il pose les questions auxquelles il importe de répondre, il mentionne la nécessité davoir un regard et un questionnement critiques sur les sources (toujours au pluriel mais qui pourraient la plupart du temps se résumer au Nouveau Testament). Le contenu du chapitre nest en fait bâti que sur lélimination de problèmes liés à un corpus de sources variées ainsi que sur la vérification de «convictions» (p.93 : «Confortés une fois de plus dans nos convictions, nous reconstituons lAffaire en nous fondant sur Marc et sur les textes complémentaires de Luc ; et nous y intégrons des données individuelles provenant des autres sources»). Nous devons déplorer ladoption de cette démarche dans le sens où nous attendons dun historien quil ait non pas des «convictions» mais des interrogations, des hypothèses vérifiées, vérifiables ou infirmées, bref des éléments de réponses fondés sur un examen minutieux et exhaustif de tous les types de sources concernés par le sujet.
Nous pouvons donc reprendre cette idée générale de louvrage en la complétant : si lhistoire de Jésus est devenue pour certains un récit antijuif, les chrétiens doivent lire le Nouveau Testament à la lumière de toute la littérature juive qui la précédé en raison même de lambiguïté de lorigine religieuse de Jésus et de son évolution spirituelle.
Perrine Cayron ( Mis en ligne le 15/10/2003 ) Imprimer | | |
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