|
Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| |
Une anthologie bilingue en deux tomes | | | Jean Dufournet Claude Lachet La littérature française du Moyen Age - Tome 1, Romans et chroniques Flammarion - GF 2003 / 11 € - 72.05 ffr. / 607 pages ISBN : 2-08-071083-4 FORMAT : 11x18 cm
Voir aussi:
Tome 2. Théâtre et poésie, 2003, 620p.
ISBN: 2-08-071172-5
L'auteur du compte-rendu:Pierre-Alexandre Vigor est actuellement en quatrième année de Doctorat détudes médiévales à la Sorbonne. Sa thèse, préparée sous la direction du Professeur Yves Sassier, porte sur le mot miles en Francia Occidentalis au Xe siècle. Imprimer
Lon juge peu souvent dans une anthologie la qualité littéraire des textes présentés, mais bien plutôt la pertinence des choix, lutilité des annexes et de la mise en forme. Pour cette Littérature française du Moyen Age, Jean Dufournet et Claude Lachet ont pu, sur plus de 1200 pages réparties en deux tomes, présenter 118 textes dans leurs versions dorigine et celles traduites par leur soin.
Des premières lignes connues en français moderne des Serments de Strasbourg (842), jusquaux vers poétiques de Jean Molinet (fin du XIVe s.), cette anthologie nest pas présentée en deux tomes par hasard. Point de division chronologique cependant, mais bien une répartition thématique : choix dailleurs nécessaire et par conséquent judicieux. Le premier tome sattache ainsi aux romans et chroniques, tandis que le second est dévolu au théâtre et à la poésie. Dun côté la littérature qui raconte, de lautre celle qui distrait : comme on le voit, ce raccourci volontairement grossier souligne le refus par les auteurs dune dichotomie littérature laïque/religieuse, qui aurait pourtant collé à une vision de la civilisation médiévale occidentale, mais qui, par opposition, serait entré en contradiction avec le but de cette anthologie. Ces mêmes auteurs affirment en effet dans lintroduction leur volonté que «ce florilège soit tout à fait représentatif dune littérature de cinq siècles, abondante, diverse et complexe»..
Nous sommes donc bien dans une littérature française DU Moyen Age et non pas AU Moyen Age. La nuance est subtile certes, mais essentielle. Le lecteur ne recherchera donc pas dans ces deux ouvrages à comprendre le Moyen Age, mais bien plutôt à appréhender sa littérature.
Littérature dont on se délecte pour diverses raisons : lune delle est sans conteste la comparaison des textes originaux et de leurs traductions. Cette littérature est française, en ce quelle supporte si bien la translation.
Quand on somme Roland de sonner de son corps, il rétorque ainsi :
«Ce serait une folie !
En douce France jen perdrais ma gloire.
Aussitôt, de Durendal, je frapperais de grands coups ;
Sa lame en saignera jusquà la garde dor.
Les païens félons ont eu tort de venir aux cols :
Je vous jure, tous sont condamnés à mort.»
Mais lhéroïsme prend toute son ampleur en ancien français :
«Jo fereie que fols !
En dulce France en perdreie mun los.
Sempres ferrai de Durendal granz colps
Sanglant en ert li branz entresqua lor.
Felun paien mar i vindrent as porz :
Jo vo plevis, tuz sunt jugez a mort»
Nos ancêtres non seulement connaissaient la rime, mais ils la maniaient «déjà» avec une grâce touchante, tels ces vers de Jean Molinet :
«Souffle, Trithon, en ta buse argentine,
Muse en musant en ta doulce musette,
Donne louenge et gloire celestine
Au dieu Phebus a la barbe roussette
»
Chaque tome est divisé en plusieurs grandes sections. A lintérieur de chacune delle, les textes sont présentés un à un, par ordre chronologique. Avant chaque texte, en édition bilingue page contre page, une notice explicative replace lauteur et luvre, de manière brève et concise. A cela sajoute une courte bibliographie et les notes, qui se trouvent donc avant les textes. Cela ne gène en rien la lecture, car dune part les extraits sont souvent relativement court, de lautre, ces notes incluent systématiquement un lexique commenté de mots dancien français utilisés dans le texte, qui léclaire ainsi avant sa lecture. Enfin pour terminer sur larchitecture globale de lanthologie, il convient de parler des annexes. En premier lieu : une chronologie où sinsèrent les uvres choisies. Relativement exhaustive, elle ne permet pas cependant de se faire une quelconque idée de lévolution des genres sur la période. Puis suit une bibliographie sommaire et trois index. Ceux-ci (termes/thèmes et notions/noms) auraient mérité dêtre plus complets, et un index des auteurs des deux tomes eût été le bienvenu.
Il ne sagit pas ici danalyser précisément les choix dauteurs et duvres, dans lensemble acceptables. Cette anthologie présente en effet la littérature française du Moyen Age dans sa diversité, avec des textes «dépoussiérés» et accessibles. Ces deux tomes sont ainsi un aperçu qui donne envie daller plus loin, comme un dépliant touristique, une bande annonce : il sagit dun travail utile mais très ciblé. Ces deux tomes de La Littérature française du Moyen Age sont donc bien plutôt une mise en bouche, qui a dailleurs le mérite, non négligeable, de souligner la palette des goûts de cette littérature médiévale si longtemps occultée.
Pierre-Alexandre Vigor ( Mis en ligne le 01/12/2003 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Médiévalesla France médiévale de Jean-François Lemarignier L'Idée de Moyen Age de Giuseppe Sergi | | |
|
|
|
|