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L’écrivain, le prétoire et la mort
Alice Kaplan   Intelligence avec l'ennemi - Le procès Brasillach
Gallimard - Folio 2003 /  7.10 € - 46.51 ffr. / 480 pages
ISBN :  2-07-030114-1
FORMAT : 11x18 cm

Paru en France une 1ère fois en 2001 (Gallimard)

Traduction de l'anglais par Bruno Poncharal

L'auteur du compte-rendu : Marie Cattelain, diplômée de Sciences-Po Paris après une licence d'histoire à Paris-IV, s'intéresse au nationalisme à la Belle Epoque et jusqu'aux années 30 (travaux sur Maurice Pujo, fondateur de l'Action Française). Elle est actuellement enseignante.

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L'ouvrage d'Alice Kaplan revient sur le procès de la figure emblématique de la collaboration littéraire. Car si le nom de Robert Brasillach (1909-1945) nous est encore familier, c'est bien à cause de ce procès, devenu l'exemple-type, constamment repris, dès qu'on évoque l'épuration intellectuelle de l'immédiat après-guerre.

L'historienne américaine nous offre une des seules études historique sur un sujet trop souvent traité de façon hagiographique. Elle reconstitue d'abord de façon concise l'itinéraire politique et intellectuel de Robert Brasillach, en revenant sur sa formation à l'Ecole Normale Supérieure et son ascension dans le monde littéraire et journalistique : la parution de ses romans et l'accession au poste de rédacteur en chef de Je Suis Partout en 1938. C'est par l'analyse de ses textes qu'elle s'attache à dresser le portrait de la double personnalité de Brasillach : un sensible à la limite de la mièvrerie dans ses romans et un critique littéraire faisant preuve d'une acuité parfois pleine de virulence. Si la question de l'homosexualité de Brasillach n'est pas neuve, Alice Kaplan propose quelques interprétations novatrices et intéressantes, notamment à propos de l'utilisation du thème dans le réquisitoire du commissaire du gouvernement, Marcel Reboul. Elle s'attarde ensuite sur l'engagement de Brasillach dans la collaboration après la défaite, et notamment l'extrême virulence de ses attaques dans les colonnes de Je Suis Partout contre les "terroristes" et notamment les accusés de Riom (Léon Blum, Georges Mandel...).

L'ouvrage propose une étude particulièrement détaillée de l'itinéraire du commissaire du gouvernement, Marcel Reboul, de l'avocat, Jacques Isorni, et ce qui est tout à fait nouveau, des jurés, pris individuellement. S'impliquant dans son récit d'une manière très anglo-saxonne, l'auteur nous fait part de sa laborieuse quête d'information à propos des jurés ou de ses tâtonnements pour interpréter témoignages et archives. Son analyse des réponses de Brasillach, du réquisitoire et de la plaidoirie s'attache, elle, à vérifier toutes les allégations des uns ou des autres en s'appuyant sur les archives. C'est l'occasion de montrer la dérive de la pensée de Brasillach au fur et à mesure de la guerre et la façon dont il en vient à une vision complètement déformée du réel.

D'autre part, la comparaison avec les autres procès d'épuration, et notamment avec le procès Béraud, permet de démonter les mécanismes qui ont mené Brasillach devant le peloton d’exécution. Car si la conjoncture joue un rôle important - la guerre n'est pas finie -, la stratégie choisie par l'avocat de l'écrivain se révèle décisive : ne pas s'excuser et insister sur le talent littéraire de l'accusé (dont il souligne par ailleurs la soudaine solidarité par rapport aux résistants). Il multiplie même les justifications subtiles de formules employées par Brasillach dans ses articles ("Nous sommes quelques-uns à avoir couché avec l'Allemagne ... et le souvenir nous en restera doux") au risque de paraître pédant face à un jury essentiellement populaire. Mais cette décision, c'est aussi celle qui choisit de grandir l'accusé, et c'est par ce choix que le procès Brasillach est perçu comme étant le plus symbolique de l'épuration.

Après la condamnation à mort, l'analyse de la pétition des intellectuels en faveur de la grâce de l'écrivain revient sur les refus (Sartre, Beauvoir), les acceptations (Camus) et surtout nous montre que c'est à cette occasion que s'opère une division entre "intellectuels résistants" à propos de la responsabilité de l'écrivain qui ne sera pas remise en cause de sitôt. Alice Kaplan s'attache, enfin, au mythe Brasillach, à sa naissance sous l'égide de son beau-frère et ami Maurice Bardèche, qui se mue en activiste négationniste et néo-fasciste, et à sa pérennité jusqu'à Jean-Marie Le Pen. Mais la propagande faite autour du "James Dean du fascisme français", possible en raison de l'exécution effective de Brasillach n'est pas le seul avatar du procès Brasillach. Car l'ouvrage d'Alice Kaplan, en analysant ce procès, approfondit un peu plus une réflexion qui est de tous les temps : jusqu’où les écrits engagent-ils leurs auteurs ?


Marie Cattelain
( Mis en ligne le 22/09/2003 )
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