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De l'utopie à la responsabilité | | | Xavier Guilhou Patrick Lagadec La Fin du risque zéro Editions d'organisation 2002 / 22 € - 144.1 ffr. / 316 pages ISBN : 2-7081-2707-1 FORMAT : 15 x 23 cm Imprimer
Evidemment, le risque zéro na jamais existé dans la réalité. Mais dans les têtes ? Le titre du livre de Xavier Guilhou et de Patrick Lagadec - le premier expert en crises internationales le second en crises technologiques - nest décalé quen apparence, pas vraiment provocant. La fin de ce quon appelle pudiquement la "Guerre froide", avec la chute du mur de Berlin, mais qui reposait en fait sur léquilibre de la terreur la guerre nucléaire - appelle un nouvel équilibre. En attendant, le désordre sinstalle.
Pour les auteurs, le risque zéro correspond au développement de la société de consommation : consommez, bonnes gens, tout est sous contrôle. Bien sûr, il y a des accidents technologiques lourds centrales nucléaires, usines chimiques - aux impacts internationaux. Mais surviennent des menaces plus diffuses sur lenvironnement et la santé sang contaminé, ESB, pollution -, les conflits locaux se multiplient. Linsécurité ronge la tranquillité des pays développés. Le 11 septembre marque alors la fin dune époque, et le retour de lhistoire. Et lexplosion de l'usine de Toulouse, quelques jours plus tard, la fin dun développement économique qui nassume pas ses responsabilités. Le risque zéro a vécu dans les esprits. La multiplication des accidents et la répétition des crises sortent le consommateur de sa torpeur repue. Le terrorisme est une menace plus civile que léquilibre de la terreur. Cest la rupture.
Après ce constat, les auteurs analysent les comportements des responsables politiques et économiques. Puis ils sinterrogent sur les mutations qui préludent au retour dun nouvel ordre. Un accident est isolé, une crise déstabilise, une rupture et cest le non-retour possible à létat antérieur.
Première question : les responsables, les organisations sont-ils en mesure dentendre les alertes, de les interpréter ? La première étape de la réponse, cest la prise de conscience. Sur ce plan, les auteurs ne sont guère optimistes. Le repli collectif est préféré, selon eux, à la conduite du changement. Mais les victimes ne lentendent pas ainsi : les dirigeants et les Etats sont poursuivis en justice pour ne pas avoir assumé leur responsabilité. Un tournant. Et toute une "éducation" à refaire : la responsabilité personnelle nest plus abritée par celle des organisations ! Conséquence : trouver, sélectionner des personnes qui ont la capacité daffronter ces situations, et de réintroduire le sens de la responsabilité sur toute la chaîne, jusquau citoyen. Il existe des exemples, des initiatives : le livre cite les cellules mises en place chez EDF, à la SNCF, à ESCOTA, chez Danone, avec succès. Méthode : commencer par redéfinir les échelles des risques et des menaces, analyser les causes et les conséquences dune crise pour éviter ou amoindrir sa répétition et ses effets. Pour conclure la première partie du livre, les auteurs nous donnent la clé du titre : "La fin du risque nul, cest le début dune nouvelle responsabilité."
La deuxième partie du livre est constituée dentretiens de Patrick Lagadec avec des experts. Dabord avec Xavier Guilhou qui prévient : "Le problème, cest que tous nos outils de sécurité collective ont été pensés pour des univers stables et quil faut du temps pour faire émerger de nouvelles fondations
Cela risque dêtre long et douloureux. Sans remise en cause, on doit sattendre à vivre des crises importantes." Ensuite, avec Laurence Tubiana, conseillère pour lenvironnement au cabinet de Lionel Jospin : pour concilier environnement et développement, la solution est le développement durable. "Je suis frappée, dit-elle, de voir la passion des entreprises pour ce concept de développement durable - certes avec toutes sortes de raisons, quil sagisse de promouvoir une image, de se rassurer sur le rôle social de lentreprise, contestée aujourdhui."
Avec William Dab, conseiller scientifique du directeur général de la santé au ministère de lEmploi et de la Solidarité, Patrick Lagadec aborde la question plus sensible encore de la santé publique. Avec la condamnation de lEtat dans laffaire du sang contaminé, la rupture est juridique et elle marque une suspicion généralisée. "Lémergence du principe de précaution est le grand enjeu social, dit-il. Il vient signifier que les retards décisionnels ne sont plus acceptés quand celui-ci comporte un risque sanitaire."
Oui mais, au début du livre, le fameux "principe de précaution" est plutôt présenté comme "une dégradation du régime de responsabilité". Un autre vrai sujet, donc, pour un autre livre.
François de Valence ( Mis en ligne le 07/06/2002 ) Imprimer | | |
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