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| Marcel Aymé Marcel Aymé, écrits sur la politique (1933-1967) Les Belles Lettres 2003 / 20.00 € - 131 ffr. / 352 pages ISBN : 2-251-44242-1
Textes réunis par Christiane et Michel Lecureur
Frédéric Saenen est né en 1973. Il est professeur de français langue étrangère à l'Université de Liège. Il a publié plusieurs recueils de poésie et des articles de critique dans diverses revues littéraires belges et françaises.
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En publiant un choix de ses écrits sur la politique, Les Belles Lettres nous donnent loccasion de redécouvrir lesprit impertinent et caustique de limmense Marcel Aymé. Le seul reproche quon pourrait adresser aux responsables de cette anthologie, cest de ne pas signaler demblée que la grande majorité des articles ont déjà paru soit dans Du côte de Marianne (Gallimard, 1989) ou dans Vagabondages (Éditions de la Manufacture, 1992). Aux lecteurs de la première heure, elle risque donc fort de faire double emploi
Aux autres par contre, elle offre lopportunité dune belle leçon de liberté.
Même sil se méfiait des prises de position tonitruantes, même sil préférait la discrétion au gaspillage de salive, Aymé a souvent pris des positions fermes sur certains problèmes de son temps et sest exprimé en toute indépendance à propos de maintes questions dactualité. Son entrée en journalisme remonte à 1933 où, sur la demande dEmmanuel Berl, il accepte de collaborer au tout jeune hebdomadaire politico-littéraire Marianne.
Demblée, Aymé sy pose comme un critique acerbe des régimes totalitaires, hitlérien ou mussolinien, et comme un observateur sans concession de la vie parlementaire française, quil nhésitera jamais à tourner en dérision. Il faut notamment relire ces pages féroces où, au lendemain du 6 février 1934, Aymé préconise au ministère de se présenter à lÉlysée
à cheval, pour mieux asseoir son prestige et son parfait mépris du peuple !
Cette liberté de ton ne pourra cependant se conformer longtemps au cadre rigide dune ligne éditoriale et la rupture avec Marianne sera consommée quand, par pacifisme intégral, Aymé sexprime contre une intervention militaire de la France en Éthiopie, contre les visées expansionnistes de Mussolini. Il sen expliquera, dans ces quelques lignes tranchantes et définitives : «Je suis un renégat, un écrivain en saindoux, porte-plume à tout faire. Au lieu de prendre du galon parmi les intellectuels de gauche en réclamant des sanctions contre lItalie, jai signé un manifeste de droite, et même dextrême-droite, qui sinsurgeait contre des mesures propres à nous entraîner de laveu de leurs plus zélés partisans, dans une guerre de droit. Entre la paix européenne et une guerre sanglante à la guerre, jai choisi sans hésiter. Cest ma conviction quil faut être un fou de lespèce furieuse pour pouvoir sembringuer, quels que soient les torts de lItalie, dans une guerre de principes. (
) Voilà en gros, ce qui ma conduit à signer un manifeste dont tous les termes ne me conviennent pas, il sen faut, mais qui renferme lessentiel : pas de guerre.»
Méfiant vis-à-vis de la modernité, Aymé se raillera dune civilisation qui se laisse américaniser à loisir et accorde plus dimportance à la quantité quà la qualité. Il fera de la justice dite démocratique un portrait fort peu élogieux et sopposera à la peine de mort sous toutes ses formes (larticle «Les médecins avec le penthotal briguent-ils la succession de Deibler ?» est à ce titre exemplaire). Son attachement à la liberté dexpression lui fera prendre fait et cause pour des écrivains à tort ou à raison diabolisés tels que Brasillach, Céline ou encore Bardèche. Et sil na jamais été partisan de lAlgérie française, Aymé nen restera pas moins jusquau bout farouchement anti-gaulliste. Enfin, hostile à tout moralisme, il se plaira à écorcher les décisions puritaines de certains partis, telles que celle de la fermeture des maisons closes (lire et relire à ce propos le savoureux «Bonté de la maison», qui figurent parmi les plus belles pages du recueil et ne sont pas sans rappeler un classique du regretté Jean Yanne).
Au fil de ces diverses prises de position se cristallisera limage dun Marcel Aymé non-conformiste, anarchiste de droite, libertaire de ci, réac de là
Autant détiquettes dont notre auteur naura que faire tout au long de son existence, réagissant aux événements sans jamais se laisser influencer par la doxa, naffichant que des convictions ponctuelles, jamais dIdées majuscules. Comme il lécrivait en 1957 : «Lécrivain devrait être non plus le témoin, mais la conscience de son temps. Ainsi refusera-t-il de sengager, car il lui faut pouvoir dire tout comme une conscience : "Hier je me suis trompé" ou "Hier jai menti sur tel point dans lintérêt de ce que je croyais être la vérité" ou encore "un tel qui pense comme moi est un malhonnête homme"».
Une lucidité tendue à lextrême entre deux silences circonspects, une discrétion qui savait parfois prendre le mors aux dents, tel était lAmi Marcel Aymé.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 17/10/2003 ) Imprimer
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