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Les Petits Soldats du journalisme
François Ruffin   Les Petits Soldats du journalisme
Les Arènes 2003 /  15 € - 98.25 ffr. / 276 pages
ISBN : 2-912485-49-5
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Quelques jours seulement avant la sortie du livre de MM. Péan et Cohen sur le quotidien de référence, bombe journalistique à fragmentation dont les débris n’en finissent plus de fumer dans les gazettes (et à côté de laquelle les missiles Al Samoud du sympathique démocrate irakien, à en croire ces mêmes gazettes, font figure de sarbacanes) est paru, de façon plus confidentielle, le récit détaillé de deux ans de formation au CFJ, le Centre de Formation des Journalistes.

Sous le titre Les petits soldats du journalisme, François Ruffin, franc-tireur désormais diplômé, s’attaque vertement, non seulement au Centre lui-même, mais au «système». Sa thèse centrale est que le «système» réclame des «bons petits soldats» : l’école les lui fournit, au prix d’un renoncement permanent aux valeurs qui la fondent.

Ses arguments contre le système sont souvent convaincants, mais pas vraiment nouveaux : une actu remâchée et recuite de la même façon des grands quotidiens aux journaux télévisés ; les dépêches AFP, ou, pire, les communiqués de presse recopiés avec plus ou moins de talent, mais une égale servilité, d’un journal à l’autre, d’une radio à l’autre ; l’absence de suivi ou d’approfondissement des événements promus en Une et sitôt oubliés ; le comportement grégaire et méchant – en tout cas sans scrupule – de la presse qui s’est notamment illustré lors de l’affaire du petit Grégory…

François Ruffin articule à cette critique classique un élément original. Sous le prétexte «d'éviter de produire des chômeurs», l’institution chargée de former les élites de la presse française, loin de résister à ces dérives, a finalement entrepris de les devancer. En deux ans, elle s’engage à fournir au marché (qui la finance) des élèves rompus aux techniques de l’écriture rapide, soumis à la dictature de l’actu, évitant de trop penser, bref : des petits soldats du journalisme.

Les méthodes décrites rappelleront d’ailleurs de (bons ?) souvenirs à ceux qui ont connu le service militaire : selon François Ruffin au CFJ, comme à l’armée, on ne fait rien, mais on le fait à l’heure. La moindre déviance – insoumission, retard, impertinence… – fait l’objet d’une traduction devant un véritable conseil de guerre. L’initiative est bannie, voire, pour qui insiste, réprimée. La réflexion est découragée - de ce point de vue, l’absence persistante de bibliothèque confine à une interdiction de lire, puisqu’on demande en même temps aux élèves de ne pas quitter le Centre…

Ce compte-rendu, au style éminemment journalistique (on recommande aux apprentis journalistes d’éviter les phrases de plus de 14 mots, François Ruffin collectionne les phrases de moins de quatorze signes, commençant souvent par «Et...» ou «Mais…», et presque toujours sans verbe) sera certainement salutaire (s’il dit vrai), au moins pour les futurs impétrants, qui ne pourront plus plaider l’ignorance.

On ne peut cependant s’empêcher de lui reprocher, outre un esprit de sérieux presque inquiétant chez un tout jeune homme, à la fois une partialité certaine, et un certain refus du réel.
Comme ses maîtres lui ont appris, François Ruffin noircit le tableau pour convaincre. Dans sa description du «système», strictement aucune mention n’est faite des grands reportages ni des grands reporters français actuels. Où sont Envoyé Spécial, Sept à Huit, Jean-Xavier de Lestrade (Oscar 2002 du meilleur documentaire pour son film Un coupable idéal) ou encore Nicolas Poincaré? A-t-on franchement besoin de 280 pages pour apprendre que Pierre-Luc Séguillon n’est pas Albert Londres ? (ni… Pierre Lescure !)

Quant au refus du réel, pourquoi ne pas admettre que, même pour devenir journaliste, on doive d’abord assimiler des techniques avant de prétendre briguer de plus hautes destinées? Que les méthodes d’enseignement du CFJ soient absurdes, ou sa discipline inique, méritait certainement d’être dénoncé ; mais pour le reste, n’attend-on pas d’une école professionnelle qu’elle forme ce qu’on appelle «de bons professionnels», c’est à dire, en français, non pas des rebelles, mais de bons artisans?
Ce n’est pas l’école qui enseigne le courage, c’est la vie même.


Emmanuel Bégué
( Mis en ligne le 28/02/2003 )
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Ailleurs sur le web :
  • Les réactions à la publication du livre sur le site de l'éditeur.
  • Le livre qui agite le CFJ (Nouvelobs.com).
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