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Les Eglises, l’Etat et le philosophe
Henri Pena-Ruiz   Qu'est-ce que la laïcité ?
Gallimard - Folio actuel 2003 /  7.10 € - 46.51 ffr. / 348 pages
ISBN : 2-07-030382-9
FORMAT : 11x18 cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne (mémoire sur Les représentations du féminin dans les poèmes d’Hésiode) et d’un DEA de Sciences des Religions à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (mémoire sur Les Nymphes dans la Périégèse de la Grèce de Pausanias). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia, il est actuellement professeur d’histoire-géographie.
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Henri Pena-Ruiz est professeur de philosophie et maître de conférences à l’IEP de Paris. Il est actuellement membre de la commission sur la laïcité présidée par Bernard Stasi, qui doit rendre un rapport à Jacques Chirac avant la fin de l’année. C’est un fin spécialiste des questions de laïcité, qui a déjà publié, en 1999, un essai remarqué intitulé Dieu et Marianne. Philosophie de la laïcité (PUF). Dans le présent ouvrage, inédit et paru directement dans une collection de poche, il se penche à nouveau, en philosophe, sur la question de la laïcité.

Il nous offre une réflexion riche, plus philosophique que véritablement historique, pratiquant une conceptualisation poussée, mais fournissant peu de détails concrets sur les différents systèmes de relation entre les religions et les Etats (ce qui laisse parfois un peu sur sa faim…). L’ouvrage dispose d’une riche bibliographie, en partie commentée (où l’auteur égratigne au passage la notion de «pacte laïque» développée par le sociologue des religions Jean Baubérot, son collègue de la commission Stasi, ou encore l’ouvrage de Danièle Hervieu-Léger, La Religion en miettes ou la question des sectes, coupable à ses yeux de relativiser ou même de critiquer l’idéal laïque).

Il est clair que le propos est défensif. L’auteur défend farouchement le concept de laïcité, qu’il se propose de définir et de développer tout au long de son livre. C’est que la laïcité a partie liée avec les droits de l’homme, et notamment avec la liberté et l’égalité : «Certains hommes croient en un dieu. D’autres en plusieurs. D’autres se tiennent pour agnostiques et refusent de se prononcer. D’autres enfin sont athées. Tous ont à vivre ensemble. Et cette vie commune, depuis la première Déclaration des droits de l’homme, doit assurer à tous à la fois la liberté de conscience et l’égalité de droits» (p.9). Il s’agit d’exclure ainsi fanatisme et intolérance. En réalité, la laïcité sous-tend la tolérance civile, et rend possible le débat dans l’espace public. L’histoire des persécutions et des guerres au nom des religions constitue une démonstration par l’absurde de la nécessité de la laïcité. Les trois grandes «religions du Livre» ont à des titres divers inspiré les violences qui résultent d’une volonté de s’imposer à tous les hommes. Ce qui bien souvent a fait de chacune d’elle une victime là où elle était dominée et une source d’oppression là où elle était dominante.

La laïcité concerne le principe d’unification des hommes au sein de l’Etat (conçu comme communauté politique). Elle suppose donc une distinction entre «privé» et «public» (qu’il faut bien se garder de confondre avec «collectif», qui n’a pas la même signification d’universalité, de ce qui est commun à l’ensemble des hommes appartenant à une même communauté nationale, mais qui désigne simplement l’agrégat de plusieurs intérêts privés, notamment religieux). "Laïc" vient du grec "laos" qui désigne l'ensemble du peuple. Il s'agit en effet de réaliser l'unité du peuple au-delà des différences de croyances.

Henri Pena-Ruiz dénonce l’amalgame trop souvent répandu entre émancipation laïque et hostilité à la religion. La laïcité n’est donc pas un principe négatif, hostile à toute religiosité. L’auteur critique également la thèse récente qui veut voir dans le christianisme une «religion de la sortie de la religion», voire une médiation historique de la laïcisation (basée sur la distinction évangélique entre Dieu et César).
Bien au contraire, la laïcité, conquise à bien des égards contre les traits d’une culture marquée par la religion chrétienne, constitue une rupture avec la tradition occidentale à laquelle on la lie trop hâtivement (il ne faut pas oublier que la liberté de conscience a été condamnée par l’Eglise catholique jusqu’au début du XXe siècle). Remarque d’importance au regard des argumentations développées par certains tenants de l’intégrisme islamique, qui réduisent la laïcité à un particularisme culturel, non transposable ailleurs.

La première partie de l’ouvrage s’attache à remonter au principe de laïcité, pour rappeler sa définition juridique et son fondement philosophique. Elle évoque également l’histoire pour envisager les rapports tendus entre le droit et le fait : l’émancipation laïque n’impliquait en elle-même aucune violence, mais une mise en tutelle séculaire ne se défait pas aisément. D’après l’auteur, il faut donc se garder d’imputer à l’idéal laïque les conflits provoqués par les résistances à sa reconnaissance. Il convient ainsi d’éviter tout amalgame entre religion et cléricalisme (entendu ici au sens large d’immixtion des autorités religieuses dans la sphère politique), ou entre César (immixtion du pouvoir politique dans la religion) et Marianne (entendue au sens large de République déconnectée de la religion). Est ainsi longuement évoquée la dimension controversée du rapport entre religion et politique, et de leur indépendance réciproque, qui est l’essence même de la laïcité.

La seconde partie de l’ouvrage est consacrée aux questions vives de la laïcité aujourd’hui. L’auteur dénonce les concepts de laïcité «ouverte» ou «plurielle» qui ne sont pour lui que des contestations déguisées d’un principe qui est, par définition, ouverture. Il s’attache ensuite au régime de droit des religions (envisagé à partir d’un retour raisonné sur la loi de séparation de l’Etat et des Eglises du 9 décembre 1905, dont le texte est du reste fourni en annexe), puis au problème de l’intégration républicaine de populations d’origines et de traditions différenciées, avant d’envisager le défi communautariste et la question de l’enseignement laïque (où la question du voile occupe une place non négligeable, moins importante toutefois que la question de l’enseignement du fait religieux à l’école). Le dernier chapitre analyse les différentes figures du rapport entre religion et politique dans l’Europe contemporaine. Henri Pena-Ruiz prend ainsi soin d’affirmer que si la laïcité à la française constitue plutôt une exception, ce fait n’invalide pas le constat de sa nécessité et de sa supériorité éthique.
Après tout, en 1789, la France était aussi la seule à proclamer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen…


Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 16/12/2003 )
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