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Roman biographique
Isabelle Delamotte   Le Roman de Jeanne - A l'ombre de Zola
Belfond 2009 /  19.50 € - 127.73 ffr. / 343 pages
ISBN : 978-2-7144-4532-2
FORMAT : 15,5cm x 24cm
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La biographie d'un grand écrivain, qui permet dans une certaine mesure de percer les mystères de la création d'une oeuvre en la replaçant dans le contexte intime de sa réalisation, dévoile parfois l'existence d'une de ces muses sans lesquelles on se plaît à croire que nombre de chefs-d'oeuvre seraient restés à l'état d'ébauche. Comme Dante eut sa Béatrice et Hugo sa Juliette, Emile Zola eut sa Jeanne, une femme qui, bien qu'elle lui donna deux enfants, fut condamnée à rester durant quinze ans dans l'ombre d'Alexandrine, l'épouse officielle.

Isabelle Delamotte, professeur de littérature spécialiste du XIXe siècle, s'est ainsi intéressée au dernier grand amour de Zola, Jeanne Rozerot, dont il fit son égérie : leur liaison servit même de façon à peine voilée de matière à l'intrigue du Docteur Pascal, dernier tome et conclusion de la série des Rougon-Macquart.

Sa vie – et c'est sans doute ce qui a ému l'auteur – a tout du roman réaliste : Jeanne Rozerot naît en 1867 dans une famille d'agriculteurs bourguignons, et a à peine trois ans lorsque sa mère meurt. Son père se remarie aussitôt avec une femme qui accepte mal les deux filles nées du premier lit. Pour fuir leur marâtre, les deux soeurs à peine sorties de l'enfance montent à Paris où leur tante accepte de les recueillir. Jeanne y apprend la couture et découvre alors la vie misérable des ateliers dans ce Paris de l'industrialisation que Zola a lui-même tant décrit dans ses romans. Jusqu'au jour où, victime comme tant d'autres de la crise économique, elle est licenciée et parvient à se faire embaucher comme lingère chez Alexandrine et Emile Zola. Ce dernier tombe éperdument amoureux d'elle. Et de petite domestique promise à la misère sociale, elle se mue en femme entretenue, menant une vie de bourgeoise dans les successifs appartements parisiens que Zola lui loue et où il la rejoint dès qu'il le peut, en cachette d'Alexandrine. De 1888 à 1902, année de la mort de Zola, elle vécut donc dans l'ombre, en marge de la vie officielle de l'écrivain qui ne quitta jamais Alexandrine, même après la naissance des deux enfants qu'il eut avec Jeanne.

Armée d'une sérieuse bibliographie s'appuyant sur les nombreux ouvrages parus sur la vie de Zola, ainsi que sur les correspondances de l'écrivain et celles de ses proches, Isabelle Delamotte aurait pu se borner à rédiger une biographie de Jeanne, qui serait allé s'ajouter à celles existant déjà sur Zola et sur Alexandrine. Elle a voulu, comme un clin d'oeil à Zola, en faire un roman. Or le choix du «roman biographique» n'est pas sans poser problème, car de même que chez son lointain cousin télévisuel à la mode, le fameux «docu-fiction», la narration impose de trouver le difficile équilibre entre faits avérés, dûment authentifiés, et détails imaginés. Isabelle Delamotte a voulu rester au plus près de la vérité, et limiter au maximum les anecdotes inventées : à part quelques personnages dont elle ne donne à dessein que le prénom, tous les protagonistes ont véritablement existé et agi ainsi qu'elle le raconte. L'exercice a ainsi ses limites : à vouloir rester trop près d'une vérité qu'on ne saura jamais tout à fait, Jeanne n'ayant jamais écrit ses mémoires, le personnage paraît finalement bien lisse et manque cruellement de substance. On est même parfois à deux doigts de se demander ce que Zola pouvait bien lui trouver à sa Jeanne, hormis la jeunesse et la beauté ! D'aucuns diront que ce n'est déjà pas si mal, mais enfin, le propre du roman n'est-il pas de donner plus ample consistance à ses personnages ? De surcroît, tout étant montré du point de vue de Jeanne - qui semble avoir accepté sa condition, si l'on en croit l'auteur, sans jamais se rebeller ni même exprimer le moindre reproche à Zola -, on comprend mal certains revirements et ellipses : comment par exemple Alexandrine est-elle passée de la fureur quasi meurtrière lorsqu'elle apprend la liaison de son mari, à la reconnaissance de Jeanne et de ses deux enfants à la mort de Zola ?

En revanche, en arrière-plan des personnages décrits de façon un peu trop mièvre, l'auteur excelle à nous décrire la vie dans les campagnes pendant l'enfance de Jeanne, la condition ouvrière dans les ateliers de couture, et la bourgeoisie évoluant dans ce Paris de la croisée des siècles, entre bouleversements urbains et expositions universelles. En ce sens, une partie du pari du roman réaliste est tenue : si le personnage de Jeanne peine à émouvoir par souci de l'auteur de ne pas trop broder sur ses états d'âme, la peinture de la société de la fin du XIXe siècle est quant à elle franchement réussie, et vaut à elle seule le détour.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 30/03/2009 )
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