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Le (petit) incendie de Montréal
François Bon   L’Incendie du Hilton
Albin Michel 2009 /  15 € - 98.25 ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2226193902
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22 novembre 2008. François Bon réside à l’Hôtel Hilton de Montréal, dans les sous-sols duquel se déroule un très grand salon du livre. Vers deux heures du matin, l’alarme à incendie se déclenche ; l’ordre d’évacuer le bâtiment est aussitôt donné. 800 clients se mettent à quitter l’immeuble, parmi lesquels un bon nombre d’écrivains présents pour la manifestation. Une patinoire géante, le couloir vide du métro et le hall de la grande gare, deviennent, pour quatre petites heures, les lieux du refuge et de l’attente.

Voilà une anecdote alléchante : feu, flammes géantes assaillant un building (à la manière de La Tour infernale !), des écrivains en déroute, asphyxiés, peut-être carbonisés… Bien entendu, il n’en est rien : l’incendie (réel) du Hilton a été un non événement sur le strict plan des péripéties et de l’intrigue : feu peu étendu, très rapidement maîtrisé, causant des dégâts minimes. Aucun mort, pas de grands brûlés, pas même la moindre petite intoxication à la fumée. L’Incendie du Hilton de François Bon se présente en premier lieu comme le récit d’un fait divers anodin, dépourvu de suspense et de toute dimension romanesque. De l’incendie, d’ailleurs, il n’est quasiment rien dit, et pour cause : il est resté, pendant les quatre heures qu’a duré la «mise à l’abri» des clients de l’hôtel, complètement invisible. Une rumeur, une annonce, simplement confirmée par les lumières rouges des camions de pompiers stationnés en bas de l’hôtel. L’Incendie du Hilton, c’est avant tout le récit d’une parenthèse étrange, saugrenue, insolite : quelques écrivains, parfois en pyjama, errant pendant une poignée d’heures dans les souterrains déserts de Montréal ; des discussions et des rencontres improbables, voulues ou subies ; c’est le récit d’une attente, d’une suspension du temps, mais pendant laquelle la ville contemporaine se donne à nu, sans le brouillage de l’agitation diurne.

L’ouvrage de François Bon a ceci de passionnant que l’anecdote fonctionne moins comme centre du récit que comme occasion d’un regard particulier, possibilité de l’avènement d’une sorte de kaïros ralenti et étiré. Quatorze chapitres, plus un «carnet», rendent compte, presque en temps réel, de cette errance étrange et révélatrice dans quelques non-lieux de la métropole québécoise : peu à peu, il ne s’agit plus du quartier de la gare de Montréal, mais des infrastructures modernes de n’importe quelle grande ville. Le fait-divers laisse la place à un récit réflexif sur l’espace urbain contemporain, et par ricochets, sur nos modes de vie à l’ère de l’uniformisation et de la marchandisation de notre environnement.

Mais cela va plus loin encore : le fait que tout cela se déroule pendant un salon du livre permet à François Bon d’amorcer une réflexion sur la place actuelle de la littérature et des écrivains dans nos sociétés. Réduit à sa stricte valeur marchande, prétexte à de surréalistes «barnums» médiatiques, le livre connaît une mutation sans précédent. Dans les couloirs et les sous-sols du Hilton ou de la patinoire, les auteurs côtoient des footballeurs, eux aussi résidents à l’hôtel, pour une compétition ; le Salon du mariage et le Salon du camping précèdent et suivent celui du livre, dans le flux indifférencié de l’économie capitaliste. Dès lors, comment écrire ? Qu’écrire encore ?

Rédigé en à peine quatre mois, on pourrait croire que L’Incendie du Hilton est un texte «mineur» de Bon, une sorte de parenthèse réflexive, dont l’opportunité de la publication sur support papier et à grande échelle n’allait pas de soi (p.18), et dont la rédaction, conçue dans une urgence nécessaire et revendiquée, acceptait volontairement le risque de la lacune, de l’erreur de mémoire ; le point de départ de l’ouvrage, anecdotique, peut paraître de moindre ambition que Daewoo ou la récente trilogie sur le Rock n’Roll. Il n’en est rien : L’Incendie du Hilton est un texte passionnant, qui prolonge pleinement l’œuvre passée de l’auteur. Le travail sur les voix et le dialogisme, la forme du carnet, l’utilisation du fait-divers, le regard sur la ville : autant de caractéristiques de ses précédents ouvrages que l’on retrouve ici, comme synthétisées avec une fluidité et une sorte d’évidence lumineuse. Tout à la fois reconstruction du réel, interrogation aiguë sur le monde contemporain et sur l’histoire récente (derrière l’incendie anodin de l’hôtel se profile, par exemple, celui des Tours Jumelles), mais aussi réflexion sur la littérature et sur les aléas de ce trajet particulier qu’est l’écriture, le livre obéit à un «principe de constellation» (p.169) complexe, que n’épuise pas une seule lecture.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 09/09/2009 )
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