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La fascination des sables mouvants
Philippe Routier   Pour une vie plus douce
Stock 2009 /  15,50 € - 101.53 ffr. / 168 pages
ISBN : 978-2-234-06202-3
FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
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La banlieue parisienne, le dernier quart d'un siècle, un petit garçon et ses parents, un père et son fils. La vogue de la veine autobiographique a certainement rendu familiers les retours agressifs ou doux-amers sur une époque révolue, les mises à jour impudiques de secrets d'alcôve souvent moins scandaleux que médiocres. La génération Prozac s'est frayé un chemin dans la littérature actuelle, empruntant quand il le fallait la panoplie trash, le déguisement sociologique, le travestissement engagé – voire l'ironie libératrice.

Pourtant, Philippe Routier, tout en s'inscrivant dans un contexte que l'on ne peut, évidemment, manquer d'associer à ces coups de boutoirs angoissés, n'écrit pas pour évoquer la crise, le chômage et la société de consommation. Les errements d'un système à la dérive ne sont qu'une toile de fond pour une histoire très humaine, dans laquelle l'auteur retrace pour nous les destins fragiles d'êtres innocents comme des enfants, et inconséquents comme eux. C'est là ce qui fait la force de sa fiction.

En effet, il y a tout d'abord la norme, le confort, et la fascination irrésistible qu'ils peuvent exercer sur un de ces jeunes couples décidés à faire tenir ses promesses à la vie, sans se rendre compte qu'ils en gâchent la leur. Mais il n'y a pas dans cette misère morale matière à écrire Pour une vie plus douce. Pour que l'intrigue se noue et que le narrateur prenne sur le lecteur l'ascendant nécessaire, il faut attendre que le deuxième versant du scénario, la tendresse maladroite, trouve sa véritable place : la première. Cela prend quelques pages, et quelques années peut-être à certains des individus que l'on découvre au fil d'une écriture à la fois sobre et exhaustive. Empoisonnée par les sigles bancaires, la plume réussit malgré tout à survivre et à rendre avec précision la simplicité des personnages, la pauvreté de leur monde et l'héroïsme vain qu'il y a à tenter de s'en extraire.

Le résultat est un livre dans lequel le moralisme politique se trouve finalement d'autant plus exclu que l'on a, en commençant la lecture, quelques motifs de craindre qu'il s'agisse là du fond de l'ouvrage. Or un roman dont l'unique raison d'être serait constituée par une dénonciation des fournisseurs de crédit et du télémarketing aurait un sérieux handicap de départ, d'une perspective purement littéraire. Cependant, lorsque le narrateur met les choses au clair et précise que «[son] père ne comprenait pas pourquoi l'avocat insistait sur les pratiques de ces sociétés et leur manière éhontée de ferrer le client» (p.87), c'est une discrète mise en garde visant à nous rappeler que l'essentiel n'est pas là.

D'ailleurs, l'adaptation aisée de son père à l'évolution des entreprises de crédit et à leur déplacement sur la Toile est bien là pour montrer que les changements sociaux intervenus en quinze ans sont moins importants que la constance observable dans la nature d'un homme. Ce père lutte avant tout pour voir dans les yeux des autres un sourire bienveillant, quand le cours de la vie le pousse chaque jour un peu plus à la marge des gens normaux – quand bien même ses efforts désespérés eux-mêmes ne servent qu'à l'enliser davantage et l'exposer au mépris.

Lui et d'autres figures, touchantes chacune à sa façon et nées comme lui sous une mauvaise étoile, font ce qu'ils peuvent pour s'entraider quand c'est encore possible, lorgnent du côté des gens sérieux, s'abandonnent parfois, s'aiment et montent de petites combines en amateur – quitte à payer très cher ces timides tentatives de dévier le cours de leurs existences pitoyables. Car la fatalité refuse de se laisser vaincre si facilement. Et le hasard est toujours à l'affût, près à frapper, terrible dans les rebondissements douloureux qu'il imprime à l'histoire de ce fils déjà durement éprouvé. Aussi ce dernier, étourdi par les coups, n'a encore «rien préparé contre la sournoiserie de [son] destin ni rien qui puisse saper l'entreprise anonyme de démolition de [ses] rêves. Mais cela doit changer» (p.169).

L'optimisme est de mise à la dernière page. Mais la déraison affleure derrière la volonté d'oublier les souffrances du passé, et Pour une vie plus douce garde son goût de jolie petite histoire triste. Après tout, l'auteur n'a-t-il pas choisi de placer ce roman au scénario de fait divers sous le signe du Petit Poucet de Perrault, dans une exergue inquiétante ?


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 07/09/2009 )
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