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''Une utopie nécessaire au monde'' | | | Dominique Paravel Nouvelles vénitiennes Serge Safran Editeur 2011 / 16 € - 104.8 ffr. / 183 pages ISBN : 979-1-09-017500-6 FORMAT : 12cm x 18cm Imprimer
Comme le titre lindique, toutes ces histoires se déroulent à Venise, avec toutefois une nouveauté, dans ce genre littéraire peu facile quest la nouvelle. Une chronologie dabord : on commence au XIIe siècle pour finir de nos jours ; une continuité ensuite : chaque récit met en scène des personnages différents mais un fil conducteur nous accompagne, puisé chaque fois dans lhistoire précédente : un élément darchitecture, un tableau, un livre
un entremêlement de vies qui les rend toutes présentes par delà les siècles. «Cest Venise à décider, à séparer ou à réunir, à savoir si les choses sont rejointes au temps. Le hasard nexiste pas à Venise
»
On pourrait dire que le vrai personnage, cest Venise, mais si l'on ne savait pas que lauteur y a vécu longtemps, on ne jurerait pas de son amour pour la ville, tant reviennent les impressions désagréablement fortes sur lodeur, lemprisonnement de leau, la fange. Seuls, la luminosité et léclairage particulier de ce lieu sont vraiment loués. «Venise est une utopie nécessaire au monde
»
Tous les autres personnages, le tailleur de pierres-joueur de dés, le sculpteur incompris, le peintre sans renommée, la courtisane, lérudite à une époque où laccès à la culture était réservé aux hommes, la religieuse-chanteuse intriguée par les mystères de lamour, sont dune grande profondeur, situés dans un contexte intéressant, parfois déchirant, bien documenté. «Elle portait le petit masque noir, la moretta, maintenu devant le visage par un ergot entre les dents, qui contraignait les femmes à se taire, car dès quelles ouvraient la bouche, le masque tombait
»
Si le fond de ce livre est passionnant, par sa richesse historique entre autres, la forme lest tout autant, par sa délicatesse dexpression, notamment dans la peinture des sentiments doublée dune puissance dévocation revendiquée. «Lécriture est un privilège des hommes, cest un jet qui ressemble à leur désir, un labourage obstiné. Les mots ne sont pas le territoire des femmes, la langue leur est déniée à jamais, car rien ne sinscrit sur le vertige
» Cette phrase, empruntée à Veronica la courtisane, est, concernant Dominique Paravel, totalement inadaptée. Par son aisance et sa grâce décriture, elle nous enchante tout au long des pages, jusquau dernier récit sur les états dâme actuels dun photographe en reportage, récit qui supporte mal la comparaison avec les précédents, et semble lavoir moins inspirée.
Dany Venayre ( Mis en ligne le 13/06/2011 ) Imprimer | | |