|
Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Georges-Arthur Goldschmidt L'Esprit de retour Seuil - Fiction et cie 2011 / 17 € - 111.35 ffr. / 155 pages ISBN : 978-2-02-103842-2 FORMAT : 14cm x 20,5cm
L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes. Enseignant à Casablanca, il est Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University). Auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (LHarmattan, 2007), spécialiste de lécriture de soi dans la littérature contemporaine, il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org. Imprimer
LEsprit de retour, titre du dernier roman de Georges-Arthur Goldschmidt, pourrait sinterpréter comme une volonté de lauteur de revenir aux principales questions qui hantent son uvre. En grand écrivain quil est, il creuse en effet le même sillon, fouille les mêmes plaies, les mêmes tourments, traque les mêmes obsessions depuis son premier roman, Un Corps dérisoire, publié il y a quarante ans et récemment réédité aux Presses Universitaires de Lyon (2011, coll. «Autofictions, etc.»).
Lhistoire ici racontée est encore la sienne. Le personnage principal a beau être un hétéronyme de lécrivain mais son nom, Arthur Kellerlicht, léloigne autant de la figure auctoriale quil len rapproche et emprunter les voies dune narration à la troisième personne il en était déjà ainsi dans Le Recours (Verdier, 2005) , on reconnaît rapidement litinéraire de Georges-Arthur Goldschmidt, celui dun orphelin, «jeune Allemand dorigine juive mais de confession protestante [
] contraint de fuir lAllemagne nazie».
Après sêtre réfugié dans un pensionnat en Haute-Savoie pendant la Seconde Guerre mondiale, Arthur vient sinstaller à Paris pour y suivre des études de Lettres. Il loge, comme un signe, dans un hôtel du nom de Jean-Jacques Rousseau. Un signe, car Arthur avait lu le troisième livre des Confessions, «stupéfait que Rousseau, bien quécrivain mondialement connu, se soit livré, tout comme lui, au même péché et à la même imagerie».
Cest dans ce parallèle à Rousseau plus précisément avec ce que Les Confessions nous disent de sa sexualité (masochisme, exhibitionnisme
) que se trouve le cur de louvrage. Ce qui hante Arthur, cest sa culpabilité, celle ressentie à cause de sa sexualité naissante, de la volupté quil éprouve à être puni pour avoir été découvert «raidi, livré à lInterdit» : «sa honte ne se voyait plus et pourtant elle lui encombrait la poitrine, lourde et creuse à la fois». Et cette «perversion», source de honte, est aussi ce qui donne à Arthur le sentiment que «la vie valait pourtant dêtre vécue».
Une autre des fractures explorées est celle de la langue. «Elle était à ce point hors des choses normales, cette langue, quon lavait tout simplement écartée. Lui la portait en lui comme une maladie honteuse». La langue allemande dont on parle ici est en même temps pour Arthur sa langue maternelle et celle «à jamais associée au vert-de-gris» de ceux qui avaient attenté à sa vie. LAllemagne, quant à elle, représente à la fois le pays de lextermination et celui «des lapins de Pâques et de linfinie tendresse dont les Allemands avaient si souvent honte».
De retour dans son pays (cf. le titre du roman), Arthur sera confronté à ses tensions intérieures, à ses déchirures intimes. Et la césure identitaire ressentie traduit dans un même mouvement cest là une des forces du livre les tourments dun sujet qui sont aussi ceux de lHistoire : «Cette Allemagne dont il ne parvenait pas à se débarrasser le tenait malgré lui, elle lui livrait les grands élancements, sans frein, les intensités poétiques rythmées par le début de la cinquième symphonie, telle quil lui semblait lentendre retentir des haut-parleurs au dessus des camps de concentration»
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 22/06/2011 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Celui qu'on cherche habite juste à côté de Georges-Arthur Goldschmidt Un enfant aux cheveux gris de Georges-Arthur Goldschmidt | | |
|
|
|
|