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Chaleur et torpeur
Frederic Prokosch   Les Conspirateurs
Gallimard - Du Monde Entier 2011 /  23,50 € - 153.93 ffr. / 313 pages
ISBN : 978-2-07-078198-0
FORMAT : 14,3cm x 20,5cm

Traduction de Patrice Repusseau
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Frederic Prokosch (1908-1989) reste un écrivain assez méconnu du grand public. Sa singularité est qu'il fut un auteur américain dont la culture européenne prédominait dans les écrits. Autriche, Allemagne, France et Angleterre n’avaient pas de secret pour cet écrivain qui a fait ses armes dans ces pays avant de terminer ses études à Yales en 1933 et d’y obtenir un doctorat. Son premier roman, Les Asiatiques (1935) fut salué par la critique, notamment par Thomas Mann et André Gide, ce qui n’est pas rien ! D’autres titres voient le jour très vite après ce qui est considéré comme son chef d’œuvre : Les Sept fugitifs (1937), La Nuit des humbles (1939), Les Cieux d’Europe (1941) et Les Conspirateurs (1943) que Gallimard réédite cette année.

Comme son titre l’indique, Les Conspirateurs met en scène et en relief des personnages assez hauts en couleurs, qui ont tous un but précis dans l’intrigue de ce livre à multiple facettes. Car ce roman, s’il est d’espionnage, emprunte les caractéristiques essentielles du genre du roman populaire mais aussi des genres policier, bucolique et poétique.

L’histoire est d’apparence assez simple : Vincent Van der Lyn est un révolutionnaire hollandais qui réussit à s’évader de la prison dans laquelle il était enfermé dans le seul et unique but de supprimer l’homme qui l’a trahi. A partir de cet état de fait, l'auteur mène le lecteur dans une dérive quelque peu métaphysique où se croisent des personnages tragiques tels que Quintilla, Irina ou Von Mohr, qui portent en eux soit un secret, soit un amour perdu, soit une trahison, en tout cas un lourd passé que la tension de la guerre (rappelons que le roman est composé alors que la France est occupée, même si l'action se déroule au Portugal, entre Lisbonne et Estoril) vient renforcer de manière inquiétante et dramatique.

Prokosch a publié également toute une œuvre poétique, souvent à compte d’auteur, inclination bucolique et symbolique qui teinte également ce roman, conférant à l’ensemble un aspect très imagé (presque cinématographique dans le détail de certains plans/scènes) mais aussi métaphorique (dans le symbole et la touche descriptive). Là est la force et l’originalité d’une narration qui alterne les tonalités.

Si l’espionnage n’est qu’un prétexte à faire de la littérature et à composer un roman singulier, dans la veine parfois d’un Pavese pour l’expression du malaise, et celle d'un Cendrars pour l'imaginaire exotique, Les Conspirateurs pourra envoûter ou lasser selon la disponibilité du lecteur. Il est clair que ce "roman géographique", comme le définissait Albert Camus, a un côté enchanteur et lancinent, dont émane une torpeur qui peut surprendre. Au lecteur de lire et juger.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 11/07/2011 )
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