| Estelle Nollet Le Bon, la brute, etc. Albin Michel 2011 / 20 € - 131 ffr. / 341 pages ISBN : 978-2-226-22974-8 FORMAT : 14cm x 21cm Imprimer
Après un premier roman, On ne boit pas les rats kangourous, (prix Emmanuel Roblès), Estelle Nollet propose une sorte de conte philosophique sur la noirceur du monde et limpossibilité dy échapper.
Ses deux héros, Nao et Bang - deux pseudonymes qu'ils se sont choisis pour tenter déchapper à leur vie et à leur destin -, se rencontrent dans un bar. Chacun est, pour des raisons différentes, condamné à une immense solitude. Bang, de son vrai nom Pierre («Pierre. Comme sil allait être ça, un roc. Pierrot. Cest le nom qui lui avait été donné quand il était arrivé au foyer» - p.25), a été abandonné par ses parents en raison du terrible don quil possède : contraindre quiconque le regarde dans les yeux à dévider ses pires méfaits. «Sa mère la laissé à la porte du couvent, dans une poussette, avec un petit mot épinglé sur un papier épinglé à son pyjama : ''Personne nen voudra, cest un enfant du Diable''» (p.9). La solitude de Nao tient à une autre raison que nous laissons le lecteur découvrir. Sur elle, le don de Bang nagit pas, car elle se protège depuis longtemps de la réalité par une épaisse densité de mensonge : «Nao non plus ne sappelait pas Nao. Cette fille avait décidé qu'en ce qui la concernait, tout ne serait que bluff. Il y a ceux qui mentent par calcul, elle le faisait par instinct» (p.26).
Ensemble, ils vont explorer toutes les possibilités de leur rencontre, construire un couple animé par la volonté de fuir la réalité déprimante, lhumanité désespérante, lennui. Aucun doute : lhomme est mauvais, intrinsèquement mauvais, foin des rêves rousseauistes. Ils fuiront au plus loin, seuls contre tous, Nao à la tête de cet attelage déjanté : «Ça navait pas été dur de quitter sa famille, elle nen avait plus, plus de mère dans un fauteuil roulant, plus de père, et jamais de frères et surs. Bang était sa seule fratrie, car cest un peu mon frère aussi, oui, un frère, et gentil» (p.96). Trois parties : deux très noires, lune trop idyllique...
Estelle Nollet ne manque pas de souffle, réinvente des situations à la fois proches et différentes dans cette quête éperdue à la fois de la vérité et de lhumanité, quête vouée à léchec : la «bonne cause» nexiste pas. Elle déroule une encyclopédie des diverses possibilités de faire le mal aujourdhui, mal à la mesure de chacun, différent selon lâge, le sexe, le milieu, lenvironnement mais un mal implacable et ressenti en tant que tel, quelle que soit la culpabilité - ou son absence - de son auteur. Il y a dailleurs des passages assez réjouissants, dautres terribles, mais sans aucun doute une grande inventivité !
On peut être partagé le roman refermé : ou lon aura complètement adhéré à cette fable sur les sociétés contemporaines, et la nostalgie dun paradis perdu où lhomme saurait retrouver les vraies valeurs, au fond dune nature plutôt hostile. On sera alors séduit par les multiples rebondissements, la marche inévitable des héros, archanges exterminateurs, à la catastrophe, et l'on pourra y voir une tragédie moderne. Ou l'on décrochera assez vite, sensible aux répétitions des situations, à laspect assez simpliste des caractères et personnages, à laccumulation de la noirceur qui finit par devenir cliché faute sans doute dêtre soutenue par une écriture forte.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 12/09/2011 ) Imprimer
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