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Annie Ernaux   Ecrire la vie
Gallimard - Quarto 2012 /  25 € - 163.75 ffr. / 1084 pages
ISBN : 978-2-07-013218-8
FORMAT : 14,1cm x 20,6cm
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Annie Ernaux est-elle une romancière «bankable» ? Le pitch laisse dubitatif : une jeune femme, native de Normandie et issue d’une famille de cafetiers, passe les concours de l’enseignement et devient professeur de lettres. Sa carrière l’emmène en province, à Grenoble, puis la ramène en région parisienne, autour de la ville nouvelle de Cergy. Quant à sa vie sentimentale, elle est traversée par un mariage et quelques belles histoires d’amour et de jalousie. Une vie banale alors ? Et pourtant, c’est cette vie, racontée, analysée, scrutée d’une écriture sobre, froide, clinique même, qui inspire une œuvre riche, subtile et qui, comme d’autres auteurs intimistes (Catherine Cusset en version plus américaine), trace un sillon original, bien loin des Musso, Lévy et autres Werber.

Car le charme de l’œuvre d’Annie Ernaux tient à de multiples qualités : le style d’abord, riche de nuances, de profondeur. A la lire, on songe d’abord à l’écriture «blanche» chère à Simenon, mais le talent d’Annie Ernaux va au-delà du seul réalisme épuré. Pratiquant sur elle-même une forme de distanciation qui l’amène à s’observer, se décrire, comme un épiphénomène, la romancière se confronte, et confronte ses lecteurs, au vertige d’une normalité disséquée, examinée à la loupe, et finalement singulière. La formule célèbre de John Doone - "Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble" - vaut d’autant plus pour la lecture d’Annie Ernaux, qui ramène chacun aux mystères insondables de l’individu, de l’Autre et du Soi. Une personnalité donc. Un autre attrait de cette anthologie réside également dans la variété des émotions/situations abordées de cette manière : chaque lecteur pourrait se dire, au détour d’une réflexion, «Annie Ernaux, c’est moi», jusque dans ce Journal du dehors, aussi captivant que singulier, où la romancière saisit quelques impressions et quelques moments de sa vie de banlieusarde, glanés au hasard du RER ou de courses dans un supermarché.

Cette identification est sans doute l’une des clefs d’accès à cette œuvre avec laquelle on entre en résonance : de ses rapports avec sa famille et ses parents à son mariage et ses amours ainsi que ses déceptions, en passant par un avortement, Annie Ernaux se livre. Si Les Années, dernier ouvrage en date, et le plus salué, semble un condensé, on lira avec passion les autres écrits, comme autant de déclinaisons d’un thème autobiographique : La Honte d’une jeune enseignante, peut être un peu snob, confrontée à un milieu familial aimant et fruste, La Femme gelée et son récit d’un mariage qui, lentement, s’échoue sur les rives du quotidien grenoblois et d’un début de carrière, Passion simple, L’Occupation ou les beautés et les douleurs d’une histoire d’amour improbable pour un diplomate russe. Par de longs récits ou par de petites réflexions jetées à l’instinct sur une feuille blanche, Annie Ernaux écrit sa vie.

Le volume d’anthologie publié par les éditions Gallimard contient la plupart de ses ouvrages (Les Armoires vides – La Honte – L'Événement – La Femme gelée – La Place – Journal du dehors – Une femme – «Je ne suis pas sortie de ma nuit» – Passion simple – Se perdre – L’Occupation – Les Années), autant de textes (journal ou récit) qui racontent une vie, à travers des choses simples, des émotions que l’auteur cisèle de sa plume, jusqu’à en faire autant d’œuvres d’art. Cette édition est non seulement une reconnaissance légitime (Annie Ernaux est sans doute le seul auteur à entrer, de son vivant, chez Quarto), mais c’est surtout, pour les amateurs, l’occasion de réunir, en un seul volume, commenté, l’ensemble des textes. L’ouvrage comporte en outre un album photo : une centaine de photos d’Annie Ernaux à tous les âges, de sa famille, de ses vacances… L’impression d’un carnet de vie en sort renforcée, le charme aussi de se glisser dans cette vie comme dans un vêtement qui épouserait un peu, vos formes.

Au final, une lecture à découvrir ou à reprendre, comme une conversation, éblouissante par sa profondeur, sur un quotidien revisité. Du grand talent et une des plus belles plumes françaises.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 06/01/2012 )
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