| Jean-Christophe Rufin Le Grand Coeur Gallimard - Blanche 2012 / / 497 pages ISBN : 978-2-07-011942-4 FORMAT : 14,3 cm × 20,5 cm Imprimer
Le moyen-âge, cette longue période trouble, a laissé dans le vocabulaire courant un adjectif, moyenâgeux, évoquant une situation ou un comportement désuet voire arriéré ; on est loin de son véritable synonyme, médiéval, qui a gardé sa noblesse. Voulant peut-être réhabiliter le Moyen-âge, lauteur a cherché et trouvé un personnage hors du commun, Jacques Cur, dont la vie et les actions ont bouleversé le milieu du XVe siècle ; il nous livre ici une biographie écrite à la première personne par un homme à la fin de sa vie.
Vie extraordinaire que celle de ce fils de pelletier qui par son intelligence, son sens de la situation, deviendra le conseiller du roi Charles VII et son argentier. Il fut le premier à avoir compris limportance du commerce, «cette chose triviale, lexpression de ce lien commun qui grâce à léchange, la circulation, unit tous les êtres humains. Par-delà la naissance, lhonneur, la noblesse, la foi, toutes choses qui sont inventées par lhomme, il y a ces humbles nécessités que sont la nourriture, la vêture, le couvert, qui sont obligations de la nature et devant lesquelles les humains sont égaux». Il découvrit les richesses de lOrient, en fit profiter lOccident, qui donna en retour les siennes, et dénonça laveuglement des croisades. Il «apprit à faire la différence entre lart des artisans, qui était dun grand raffinement, et lart des artistes, dans lequel se reflétait autre chose : le génie, lexception, la nouveauté», encouragea lacquisition des uvres, développant ainsi le sens artistique. On peut dire que la Renaissance lui doit beaucoup.
Sa méthode était simple : bien choisir les hommes, leur transmettre sa vision dun projet avec suffisamment dardeur pour que ce projet devienne le leur. Il créa une entreprise immense, étalée sur plusieurs pays, qui brassait des marchandises diverses, au service, entre autres, du roi de France. Sa fortune devint si importante quelle attira des jaloux et suscita des complots qui lobligèrent à fuir. Trahison, torture, dénuement, exil, rien ne lui fut épargné.
Le livre raconte tout ceci, mais pas seulement : cest aussi une réflexion sur la grandeur, la vanité, létude du pouvoir, la force de la guerre, sa faiblesse, lincontournable diplomatie, les intrigues, le sens de lamitié, la beauté des choses, la volonté, lhumanisme
Jean-Christophe Rufin est un amoureux de la beauté : «jaime et jadmire tout ce que lesprit humain crée pour permettre à nos demeures de ressembler à la nature», un amoureux de lart de vivre, le «nonchaloir», quil a pressenti en Orient, et son style sen ressent. Il a lamour des mots, des descriptions, des synonymes, il décortique avec précision les rapports humains, il a su faire revivre le langage de lépoque et son livre se lit avec un plaisir dépicurien malgré certains passages un peu longs. Ce nest pas un historien, et même si le livre est bien documenté, il se veut roman et prend des libertés, parfois, avec la réalité, pour lagrément de la démonstration. Respectueusement évoquées, les femmes sont présentes, de la femme légitime aux maîtresses passagères ou installées. Lamitié de Jacques Cur pour la favorite du roi, Agnès Sorel, lui donne loccasion de glisser dans un ouvrage daventures sérieux, une intrigue amoureuse dont lHistoire ne garde pas de trace.
Dany Venayre ( Mis en ligne le 15/06/2012 ) Imprimer
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