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Grotesque
Pierre Mérot   Toute la noirceur du monde
Flammarion 2013 /  18 € - 117.9 ffr. / 237 pages
ISBN : 978-2-08-131273-9
FORMAT : 13,7 cm × 21,0 cm
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Un des buts affichés de l’auteur est «d’oser remuer la boue du monde et d’espérer de ce geste sale qu’il créera de la lumière» : le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas rechigné à la tâche ; mû par la jouissance de la haine et le désir «de tuer et de baiser», il s’y est même totalement englué...

Pour cet anti-héros dénué d’altérité, c’est un euphémisme que de dire combien son métier de professeur devient problématique. L’inculture du «ramassis de pétasses et de paresseux» de sa terminale STG, qu’il observe à travers le prisme de statistiques sur l’origine, la religion et le comportement (tant pis pour les mâles Maghrébins jugés trop arrogants) et une querelle avec «une insolente musulmane», ont raison de la santé du narrateur qui se retrouve en arrêt maladie.

L’homme se libère alors : les patriotes de son quartier lui permettent d’accéder enfin à la jouissance en organisant des bastonnades. «La chose (comprendre le nègre) s’est vainement débattue sous mon poids. Et j’ai eu du plaisir à maintenir [sa tête] aplatie, j’ai même euphoriquement, frappé le crâne à plusieurs reprises alors que visiblement ce n’était pas nécessaire». Un p’tit café au bar pour converser à propos des tailles improbables de clitoris après avoir abreuvé le lecteur de ses commentaires sur les poils pubiens de sa concierge portugaise, lui permet d’introduire (sans mauvais jeu de mots) un passage sur ses propres frasques sexuelles - avec ancienne élève et maîtresse évidemment.

Le congé maladie s’avère donc revigorant, au point de mater les films porno toujours patriotes - 100% culs français – accessibles via un portail internet finement intitulé «Les égouts du Web» et subtilement ornementé de photos de juifs pendus. Pour ceux qui sont «encore là, penchés sur ces lignes comme sur une cuvette de WC», arrive enfin le jour J, summum du cheminement politique de cet ancien gauchiste : LA rencontre avec La Présidente du parti des patriotes. A propos de rencontre, notons celle que l’auteur fait avec un chien qu’il se met à lécher (et non l’inverse), avant de lui tirer une balle dans la tête pour le passer à l’incinérateur. La mère - de l’auteur et non du chien - (il convient de préciser les races à éliminer) bénéficiera d’un traitement tout aussi radical.

Mais n’est pas John Steinbeck qui veut… Et si la littérature aime ses monstres, les dénonce ou en fait l’apologie, ici toute la complexité du ressort haineux étant soigneusement occultée, il ne reste de la fiction qu’une accumulation d’objets de haine qui frôle le grotesque sans pour autant prêter à rire. Une overdose fatale au récit ou, très exactement, un récit raté.


Marie-Claude Bernard
( Mis en ligne le 18/09/2013 )
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