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Plus près de toi, mes dieux… | | | Catherine Cusset Une éducation catholique Gallimard - Folio 2016 / 6,50 € - 42.58 ffr. / 150 pages ISBN : 978-2-07-046823-2 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2014 (Gallimard - Blanche) Imprimer
Que nous reste-t-il de sacré, de divin dans nos vies ? Certains ont un dieu et des espérances, dautres sacralisent leur nation, leur travail, leur équipe de foot, leur voiture, etc. Cest-à-dire quils entretiennent, avec lune ou lautre de ces entités, une relation exclusive, jalouse, menaçante parfois pour leur entourage. Cest à ce divin-là, cette sacralité-là que Catherine Cusset consacre ce roman. Comme dhabitude, cela ressemble à une autofiction, ça a le goût dune autofiction, mais ce nest pas une autofiction : les mondes de Catherine Cusset ne sont pas ceux dAnnie Ernaux, même si, par moments, les écritures se confondent. La fiction finit par simposer chez Catherine Cusset, ou du moins, une sorte de déclinaison de la vie réelle.
On suit donc Marie, un alter ego de lauteur : famille bourgeoise, père croyant et mère discrètement athée. Et forcément, le rapport au père terrestre entraîne dans un premier temps Marie vers le père céleste. Catéchisme, communion, messe du dimanche avec papa
Mais Maman et le Doute sinstallent et font vaciller la petite fille. Première étape. La foi celle qui sauve a disparu, mais la transcendance subsiste, encore faut-il aller la chercher ailleurs. Peut-être dans lamitié
ou bien les amies : on ne sait trop si Marie aime au sens fort du terme ses amies (Nathalie, puis Ximena) ou bien si elle saime en amie absolue. Du moins jusquà ce quelle découvre, avec Ximena, un autre monstre damour. On est à la marge du «vert paradis des amours enfantines», plutôt dans sa version pathologique, mais toujours finement analysée, avec ce sens de lanecdote et du détail qui caractérise les romans de C. Cusset. La distance, mise par lauteur pour le confort du lecteur, est subtile mais efficace et si lon peut compatir avec les errances sentimentales de Marie, on ne se projette jamais en elle, ni dans ses amours, ni dans ses haines (le duel avec sa sur Anne est assez réussi dans ce genre). Puis viennent enfin les garçons, dabord Samuel, à la fois trompé et adulé, entraîné (malgré lui) dans une relation amoureuse destructrice ou fusionnelle (au choix), puis Al.
Tout le talent de Catherine Cusset réside dans cette exploration, cette dissection même, de son rapport aux autres, un rapport quasi religieux, le produit monstrueux de cette Éducation catholique qui sacralise lautre, en fait un objet de vénération avec qui les relations ne peuvent pas être normales, pondérées, rationnelles. Marie vit ses amitiés / ses amours dans un excès permanent, une foi enfiévrée, une souffrance absolue ou une joie paradisiaque
comme si elle passait, sans étape, dun morceau de ciel à un paysage denfer. Cest peut-être une pathologie, mais cela fait en tous les cas un beau roman, réussi, qui décolle après un premier chapitre un peu trop descriptif. On retrouve lauteur de La Haine de la famille et de Brillant avenir, son regard à la fois clinique et compassionnel, son ironie discrète et sa plume légère.
Un trop court roman, certes, mais le plaisir de retrouver une belle plume au meilleur de sa forme.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 18/03/2016 ) Imprimer
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