| Lucile Bordes 86, année blanche
Liana Levi 2016 / 14,50 € - 94.98 ffr. / 140 pages
ISBN : 978-2-86746-813-1
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
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«Il fallait étouffer la rumeur intérieure, celle qui disait que nous tenions nos vies de l’atome et qu’il était peut-être normal que l’atome nous les demande en retour un jour ou l’autre. Même si personne ne nous avait prévenus. Même si nous n’avions pas lu le dernier alinéa, au dernier avenant du contrat. L’aurions-nous lu, nous aurions signé de toute façon, comme Faust le pacte proposé par le diable» (p.45).
Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose et entraîne la pire catastrophe industrielle de l’Histoire. Au printemps 1986, la cueillette des champignons est interdite ; les chantiers navals de La Seyne et de La Ciotat déposent le bilan et cessent progressivement leur activité. Trois jeunes femmes dont l’existence est liée à ces événements se racontent. Intimement, sans artifice, Lucie près de Toulon, Ludmilla à Prypiat et Ioulia à Kiev dévoilent quelques semaines décisives de leur existence, rendent compte de leurs pensées, expriment leurs inquiétudes et leurs souffrances, leurs peurs et leurs espoirs, disent tout l’ordinaire d’un quotidien brutalement éprouvé par des drames inhabituels et graves.
Avec la même importance et le même intérêt, la même légitimité pour chacun des personnages, le récit dévoile les retentissements de la catastrophe. A des milliers de kilomètres de Tchernobyl, Lucie, 15 ans, inquiète du nuage radioactif que le vent pourrait conduire jusqu’à elle, appréhende la fin du monde. Ludmilla, 25 ans, vit avec son mari Vassyl et sa fille Marina à Pripyat, ville sortie de rien servant à loger tous ceux qui travaillent à la centrale. Ce matin du 26, Vassyl se rend à son travail pour aider à contenir l’incendie. Les femmes et les enfants sont évacués de la ville ; aucun n’y reviendra. Ioulia, à Kiev, hésite entre Petro, son mari, et son amant français rapatrié par son ambassade. Petro rejoint la centrale comme les huit-cent-mille liquidateurs, ouvriers, paysans, soldats ou pompiers, conscients du danger de la radioactivité, dans un esprit de sacrifice : le plus important est d’éviter la libération d’une quantité importante de radionucléides dans l’atmosphère.
Bien sûr, depuis, on a beaucoup mentionné les nettoyeurs et les liquidateurs, mais ici Lucile Bordes donne vie à ceux qui les accompagnent et qui ont payé un lourd tribut à la catastrophe. D'une écriture puissante et sobre, l’auteur atteint une précision remarquable et en peu de mots éveille notre imagination. Dans cet espace temporel resserré, chaque mot, chaque phrase se saisissent de l’essentiel. Nous sommes immergés au cœur de ces trois destinées sensibles et attachantes. Réalité historique et fiction sont habilement mêlées, à travers une langue épurée, accessible et proche de nous.
A lire absolument, pour se remettre en mémoire ce choc nucléaire ; un hommage à tous les sacrifiés.
Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 06/06/2016 )
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