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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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La jactance et le jaja à Paname | | | Robert Giraud La Petite gamberge Le Dilettante 2016 / 17 € - 111.35 ffr. / 174 pages ISBN : 978-2-84263-867-2 FORMAT : 12,0 cm × 18,0 cm
Olivier Bailly (Préfacier) Imprimer
Robert Giraud (1921-1997), dit Bob, fin connaisseur des zincs, aimait partager le dernier verre avec Pierre Mac Orlan et Robert Doisneau qui a souvent mis des images à ses mots. Il nous revient aujourdhui avec un roman aux petits oignons, La Petite gamberge, publié en 1961 aux Editions Denoël. Il aime le vin et largot, les bistrots et la langue verte, et donne ses lettres de noblesse au vocabulaire des truands, petits et grands qui sont les personnages principaux de ce roman.
Le rade de nos «cinq voleurs de lapin», leur vrai quartier général est «A la bonne treille», chez le grand René. Au fond, une salle leur est réservée et ils sy retrouvent tous les soirs à partir de huit heures. «La porte souvrait sur le trottoir grimpant de la Montagne Sainte Geneviève, presque en son milieu, point particulièrement stratégique, à la fois pour ceux qui tentaient lescalade et qui trouvaient là un havre pour souffler et par ceux qui descendaient trop heureux en cours dexpédition de pouvoir traîner les pieds sur un carrelage horizontal» (p.22).
Dans la salle sombre trônent les troisièmes couteaux du milieu mais ce sont des héros pour leur quartier, des puits de science pour le petit peuple : le Manchot, Pierrot la Tenaille à la façon particulière de serrer la main, la Douleur dont les yeux pleurent sans arrêt, Bouboule, aussi large que haut, le Cerveau, le maître à penser en bout de table, et Roger, lancien des bataillons dAF.
Ils ont une organisation bien rodée pour vider les meubles et largenterie des maisons du bord de Seine, à labri des regards indiscrets. Quand Robert se fait coffrer, cest la panique chez les messeigneurs-la-pince qui se séparent et ségaillent dans la nature, dautant que Pierrot est à la colle avec Pierrette, une jeune chanteuse remarquée au troquet avec un vioque, faux aveugle qui joue du piano à bretelles. La Douleur transporte avec son camion, qui autrefois servait au butin, le matériel des marchés aux puces. Que devient la petite bande ? Y a-t-il un donneur ? Bouboule gamberge sec et croit avoir trouvé la solution...
Ce roman est un éloge de lerrance, des saisonniers, des personnages dépeints avec précision et tendresse. Lauteur les regarde évoluer et échouer lamentablement dans leur entreprise courageuse, mais il ne les juge jamais. Cest une histoire daveuglement car tous ségarent et se perdent dans des conjectures qui leur seront fatales.
Ce récit ''vintage'' est le reflet de cette période daprès-guerre aux repaires précaires, quand les petites gens se débrouillaient et la truanderie était encore artisanale. Un long poème populaire en prose à la gloire des sans grade, de la racaille à la vie marginale. Un bonheur de lecture, dune littérature et dun monde aujourdhui disparus.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 26/10/2016 ) Imprimer
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