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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Quand les humbles tutoyaient le ciel | | | Erri De Luca Montedidio Gallimard - Du Monde Entier 2002 / 15.50 € - 101.53 ffr. / 208 pages ISBN : 2070762688 Imprimer
Scène des rues de Naples. Au premier plan, une fillette en barboteuse et sandales connaît un de ces moments de distraction entre deux jeux. Lui faisant face, un gamin se gratte lentrejambe en regardant nonchalamment un garçonnet en veste et short, le corps en extension, taquinant un ballon fatigué. Le début du nouveau roman dErri de Luca ? Juste la couverture de lédition française, mais cest tout comme. Lauteur de Tu, moi et de Trois Chevaux revient ici sur son adolescence dans un quartier pauvre de Naples, Montedidio, qui donne son nom au roman.
Certains écrivains ont lart de transfigurer un lieu de leur enfance en lui restant fidèles. Erri de Luca fait partie de ceux-là. Montedidio, cest le quartier des miséreux et des besogneux, entassés les uns contre les autres comme des sardines, si bien que, comme le dit mastErrico (maître Errico), lébéniste du coin, "si tu veux cracher par terre, tu ne trouves pas de place entre tes pieds". Mais cest aussi la "montagne de Dieu", une poignée de rues entre ciel et terre, perchée sur les hauteurs de Naples : "du haut de Montedidio, dun saut vous êtes déjà au ciel."
Lexpressivité des formules, des images et des situations (remémorées ? réinventées ?) enchante. "Quand cest du vice, cest pas un péché", dit la maxime locale, tandis que Rafaniello (le cordonnier, magnifique personnage) est davis qu"à force de prières, Dieu est contraint dexister". Faute de pouvoir prononcer le mot "cinématographe", les autochtones lévoquent comme "limbroglio dans les draps"... Mais le talent dErri de Luca ne se limite pas à la veine du pittoresque à litalienne. Ce pittoresque-là nest dailleurs jamais gratuit et sert toujours une atmosphère plus générale ou la peinture du caractère des personnages.
Montedidio est un livre sur la perte de lenfance, la naissance de lamour, les premières souffrances. Lévocation des rapports du héros et de Maria, une voisine de limmeuble à peine sortie de lenfance elle aussi, nous vaut des pages émues et émouvantes. Mais cest lamitié, toute de paroles, qui unit le narrateur à Rafaniello, réparateur de chaussures mais aussi de pensées, qui reste la trouvaille la plus forte dun livre où le réalisme et le symbolisme se mêlent jusquà devenir parfois indiscernables. Rafaniello, cet homme dont on comprend quil est un rescapé de la Shoah mais qui pense malgré tout que "la prière doit suffire à un homme pour voler".
Thomas Regnier ( Mis en ligne le 12/02/2002 ) Imprimer | | |
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