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| Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Laurent Laurent Le tri de l'arrêt
Seuil 2003 / 13 € - 85.15 ffr. / 184 pages
ISBN : 2-02-051236-X
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Roman étrange écrit par un auteur étrange, Le tri de l'arrêt raconte les affres d'un certain Laurent, livré volontairement à la discipline de l'arrêt. Il s'agit d'arrêter "la totalité des plaisirs modernes", en particulier le tabac, l'alcool, le café, mais aussi les confiseries, pistaches et autres chewing-gum - à l'exception de l'orgasme.
Poursuivre l'orgasme tandis qu'on arrête tous les autres plaisirs pourrait faire de ce livre un roman d'amour ascétique; hélas! l'histoire d'amour avec Hérondine commence mais ne finit pas: l'amour ne sauve pas des autres.
Car la problématique de l'arrêt est avant tout sociale: c'est la relation avec autrui qui commande de consommer des substances dont le bénéfice attendu est surtout psychotrope; dès lors, la question que pose le roman est: peut-on surmonter sa difficulté d'être, sans l'aide des drogues autorisées pour rendre supportable la présence d'autrui?
La réponse est clairement non, puisqu'au fur et à mesure du roman le narrateur s'enferme dans un isolement de plus en plus étroit, d'abord solitaire, puis actif, puis agressif - finissant par défenestrer sa machine à laver et par défiler tout nu dans le métro pour faire la démonstration de son détachement. L'auteur en vient d'ailleurs à se venger du poids des autres en les atomisant, nous offrant à cette occasion l'une des scènes les plus réussies du livre.
Ce roman brille d'abord par son style, précis et froid comme un diagnostic, étonné et naïf comme une question d'enfant, parsemé de formules telles que la fameuse question y a-t-il une dynamique de l'arrêt? ou la remarque que l'arrêt est, à chaque fois, à recommencer; on ne résiste pas non plus au plaisir de livrer ici le Poème n°8 (à notre avis le meilleur):
Fume sous la hotte, mon ami
Fume sous la hotte.
Si la hotte est assez puissante
La fumée ira dans la hotte.
Mais ce roman est également remarquable par l'analyse froide qu'il fait des "relations inter-personnelles" : sans toujours éviter certaines facilités narratives, il nous livre des scènes désopilantes de réunions "entre amis" - le dîner, la soirée, le café, sans oublier le final!.
Le tri de l'arrêt est un livre drôle, et désespéré.
Emmanuel Bégué
( Mis en ligne le 23/06/2003 )
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