| Philippe Tagli Même la neige devient grise quand elle tombe en banlieue Seuil 2004 / 12 € - 78.6 ffr. / 147 pages ISBN : 2-02-063932-7 FORMAT : 13x19 cm Imprimer
Philippe Tagli est ethnographe des banlieues quil photographie, dont il parle, sur lesquelles il écrit. Même la neige devient grise quand elle tombe en banlieue, son premier roman après Paradis sans espoir (Le Cherche Midi, 1999), raconte la beauté triste de ces banlieues, résumée entièrement dans cette oxymoron - le paradis sans espoir ; la cité ici dépeinte sappelle dailleurs Oz
- et cette couleur, le gris, qui nest pas le noir, qui nest ni le blanc
A limage de ce milieu, les jeunes racailles ici brossées, Rico, Malik, Arthur, Borgia, des noms de rois, de fortunés, ont aussi, derrière laspect rêche de leurs façons dêtre (la violence verbale, la violence tout court, le vol, la drogue), leur beauté, leur poésie. Ce nest pas parce que lon est né et que lon vit, emprisonné, en banlieue, que lon ne rêve pas secrètement damours shakespeariens
Le roman commence ainsi, par lévocation de lamour courtois
Reste à savoir si la banlieue salit de sa tristesse ces beautés humaines ou si celles-ci y croissent comme par un poétique mécanisme de défense. Histoire de la poule et de luf
Cest le sentiment qui ressort de ce court et très touchant récit, une leçon simple mais souvent oubliée, que la vie nest ni blanche ni noire, mais souvent ambivalente, grise, prise entre deux horizons. Et que les «sauvageons» que lon se plaît à voir comme si étranges ne diffèrent que par leur langage, une pantomime sociale qui en vaut une autre
Mais la banlieue est grise ; elle nest pas blanche. «A se cogner la tête contre les murs de leurs prisons mentales» (p.134), les anti-héros ici suggérés nous enseignent aussi une condition dure, bloquée. Pour fuir Oz, la drogue offre sa dangereuse passerelle, comme un pont suspendu sur un gouffre sans fond
Voici donc un roman documentaire révélateur dune crise sociale, générationnelle, culturelle et politique, aux fondements économiques, cela va sans dire. Une crise totale en somme
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 04/06/2004 ) Imprimer | | |