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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Frédéric Beigbeder 99 francs (5,90 €) Le Livre de Poche 2015 / 5,90 € - 38.65 ffr. / 281 pages ISBN : 978-2-253-16430-2 FORMAT : 11x18 cm
Roman paru une première fois en janvier 2002 (Grasset). Imprimer
Ce serait lhistoire dun brillant bachelier qui aurait hésité entre une prépa HEC et une hypokhâgne avant de céder à lappel du fric. Renonçant à suivre sa plus forte pente, celle des lettres, il se serait compromis dans le marais des chiffres jusquà ce quun jour, pris décoeurement par ceux-ci, le regret de celles-là leût submergé
Alors, relapse mais pas téméraire, il aurait fait de lécriture dun brûlot contre le monde de la pub, sa prison, le moyen, et de son licenciement sans démission, et de sa rédemption littéraire. Cette interprétation de 99 francs dévalué à 5,90 pour le format poche en vaut une autre, mais suffit à planter le décor. Reste à savoir dans quelle mesure le khâgneux contrarié aura survécu et conservé de sa verve littéraire
Le roman, dont on se fatigue vite à estimer lépaisseur autobiographique, raconte la complainte complaisante dun cadre sup roulant en Porche, sniffant lignes de coke sur lignes de coke, quun train de vie le dépassant rend insomniaque et dépressif. «Je me prénomme Octave et mhabille chez APC. Je suis publicitaire : eh oui, je pollue lunivers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ce que vous naurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur photoshop.»
Après quelques premiers romans, 99 francs révéla proprement Frédéric Beigbeder au grand public et lui donna une place jalousée voire incomprise - dans le landernau littéraire. Le personnage en agace plus dun. Couronné dun prix littéraire qui ferait se retourner dans sa tombe un Japrisot, lui-même lauréat du dit prix en un temps pas si lointain, il occupe le PAF où il campe en hussard du XXIe siècle et Nimier comme Laurent ou Blondin de valser également dans leurs boites en sapin. Quant à ses velléités communistes d'alors, elles témoignaient moins dun réveil possible que du chant du cygne des idéaux rouges
Lacide bileux linscrit dans une sous lignée célinienne ou lidentifie à la série des auteurs dits «branchés» qui pullulent dun éditeur à lautre
On adore ou on déteste. Certains vont jusquà crier au génie
«Dans le monde que je vais vous décrire, la critique est digérée, linsolence encouragée, la délation rémunérée, la diatribe organisée. Bientôt on décernera le Nobel de la Provoc et je ferai un candidat difficile à battre.» Cynisme et immédiateté sont en effet les deux béliers de notre auteur, expliquant son rayonnement actuel, mais présageant aussi dune extinction définitive. Car à trop incarner la modernité, quil sagisse de vomir les marchands de marque ou de jouer les rêveurs solitaires en haut dune tour, il risque de rentrer dans lhistoire avec elle, voire loubli, pour ne plus conserver quun intérêt documentaire.
Le roman ne réconciliera pas ses détracteurs avec le personnage Beigbeder, celui des écrans bleutés, mais les fera peut-être considérer plus sérieusement lauteur, malgré tout. Car on lit vite et non sans plaisir cette férule antimoderne, un brin exagérée mais où rougeoie encore la flamme dune révolte juvénile.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 09/03/2015 ) Imprimer
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