|
|
| Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Gilles Taurand Exécution d'un soldat en gare de Metz
Seuil 2005 / 18 € - 117.9 ffr. / 262 pages
ISBN : 2-02-079889-1
FORMAT : 14x21 cm
Imprimer
Ce nest pas par hasard quil est beaucoup question des parents et du sexe dans Exécution dun soldat en gare de Metz. Car à côté de sa carrière décrivain et de scénariste, lauteur est aussi psy. Et si le roman lui-même, fort heureusement, ne ressemble aucunement à une introspection nombrilisto-rive gauche, les personnages, eux, sy paient une bonne séance sur le divan. Mais ce divan est le papier sur lequel ils couchent leurs mots, des mots en forme de mines, chargés de sens, et prêts à exploser sur le champ de bataille que devient le récit.
La nuit de ses soixante ans, Maurice, dessinateur de BD, se réveille en sursaut après avoir rêvé quun jeune soldat homosexuel était fusillé dans la gare de Metz. Obsédé par les détails atroces du cauchemar, il se met à écrire pour raconter dabord le rêve, puis dans une mise en abyme subtile, lécriture elle-même du récit. Démarrant fleur au fusil avec son anniversaire et sa décision de se laisser pousser la barbe, manière «patriarcale et triomphante» dentrer dans ses soixante ans, Maurice enchaîne très vite sur les souvenirs de ses parents, sur ceux de sa rencontre avec Hélène et sur sa vie de famille, de la construction de sa folle maison darchitecte à la tentative de suicide de son fils homosexuel.
Lécriture est vive, très riche, et les images colorées révèlent un style à la fois juste et inventif. Mais malgré son air de ne pas y toucher («jai tenu bon, je ne suis jamais allé blablater sur un divan»), Maurice lève tout de même de sacrés lièvres psychologiques, notamment son ambiguïté sexuelle et le mystère entourant la naissance dIvan, son fils adoptif.
Et cest parce que Gilles Taurand prend le temps de camper ses personnages et de leur donner une véritable épaisseur que la bombe lancée dans leur vie le cauchemar du titre explose avec tant de force. Confrontée au récit scrutateur de son mari, Hélène se saisit à son tour de sa plume de romancière et réplique par une sorte de journal intime au ton cynique. Leurs deux voix se répondent dun chapitre à lautre, et ses phrases courtes et incisives, comme autant de piques, font contrepoint aux logorrhées de Maurice, aussi riches et coulantes quun camembert mûr. Suivant un rythme qui saccélère de plus en plus, le mari et la femme dévident leur histoire à travers une recherche éperdue de vérité et surtout de sens. Hélène, acculée au pied du mur par la découverte de ce quelle pense être un cancer, lève enfin le voile sur les origines obscures de son fils. Maurice, fouillant son attirance pour les garçons et sa relation avec sa mère, arrive à tirer autant de signification que possible de son rêve, allant même jusquà la vraie gare de Metz pour chercher des clés.
Mais une séance de psychothérapie, fut-elle écrite et imaginaire, napporte pas la même satisfaction finale quun polar, dont le dernier chapitre fournit la solution de lénigme et lidentité du meurtrier ! Au cours du récit, des pistes ont été explorées, des fils tirés, des clés suggérées, mais aucune vérité définitive na été révélée ; chacun des personnages se fait seul sa propre conclusion
Andréa Davoust
( Mis en ligne le 13/04/2005 )
Imprimer
A lire également sur parutions.com:Alexis ou le Traité du Vain Combat
de Marguerite Yourcenar | | |
|
|
|
|
|