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Pirates des Caraïbes
Zoé Valdès   Louves de mer
Gallimard - Du Monde Entier 2005 /  16.90 € - 110.7 ffr. / 231 pages
ISBN : 2-07-077082-6
FORMAT : 15x21 cm
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La Cubaine Zoé Valdés revient cette année sur le devant de la scène littéraire avec deux opus : Louves de mer, roman de piraterie au féminin, et une anthologie de poèmes intitulée Une habanera à Paris. De l’Europe en guerre aux eaux caribéennes où règnent les pirates, Louves de mer nous plonge, à la veille du siècle des Lumières, dans la vie aventureuse de deux femmes. La première, Ann Bonny, la plus âgée, apparaît dès les premières lignes du récit dans une tentative de suicide hallucinatoire par noyade dans un tonneau de bière ! Cette dure à cuire, née des amours illégitimes d’un riche Irlandais, est habillée comme un garçon sur les ordres de son géniteur qui redoute la vengeance de son ex-femme, malgré sa fuite en Nouvelle-Angleterre. Ann y commence d’ailleurs ses méfaits en tuant à l’âge de treize ans leur servante retorse.

Rejetée par son paternel à cause de sa conduite, elle s’engage comme mousse et échoue dans un bordel aux Bahamas, sur l’île de Nouvelle-Providence, la bien nommée. Là, elle épouse à la va vite le pirate James Bonny qu’elle va suivre en mer, travestie en marin. Mais sa vie va changer du tout au tout grâce à la rencontre avec Calicot Jack, un pirate des plus fameux. Séduit par cette femme qui s’habille en homme à bord des bateaux, il l’achète à son mari. La liberté d’Ann est à un prix : en mer, elle est libre et peut rester la maîtresse du capitaine Jack Rackham ; à terre, elle retombe sous la coupe de son mari qui en veut à son héritage. C’est donc en homme qu’Ann Bonny devient Bonn, bras droit de son amant de pirate.

L’autre héroïne de Louves de mer est Mary Read, qui, elle aussi, doit prendre les habits de l’autre sexe dès son plus jeune âge, mais pour se substituer à son frère lors de sa mort. Mary devient donc Billy Em Carlton et le restera lors de son entrée dans la marine, jusqu’à épouser un soldat hollandais compagnon de guerre sur le continent. A la mort de ce dernier, elle reprendra la mer, et changera de nom pour devenir Read. Elle rencontre Bonn et Calicot Jack, alias Rackham Le Rouge, à bord du bateau pirate le Kingston, où elle peut rivaliser en cruauté et en passes d’armes avec tous les autres pirates.

Zoé Valdés nous fait donc revivre au gré des aventures de ces deux femmes, «louves de mer», les derniers feux de l’âge d’or de la piraterie. Sa langue, inventive et verte, aux épithètes homériques, transcende cet exercice de style qu’est la composition d’un roman de piraterie. Elle s’y amuse même, et invite à bord, avec beaucoup d’humour, Daniel Defoe, auteur d’une Histoire générale des plus fameux pirates, à travers le personnage du capitaine Johnson. Le récit laisse également la part belle à la tendresse et à la sensualité propres à son écriture, que ce soit à travers les amours du trio de pirates Rackham, Bonn et Read, ou encore à travers l’escale cubaine de Bonn, forcée de demeurer à terre le temps de mettre au monde la fille de Calicot Jack.

Le destin croisé de ces femmes, libres comme la mer, légendes de piraterie, se fonde sur un élément central quoique caché : la féminité, dans leur accommodement perpétuel et original avec «cet inéluctable accident, autrement dit la fente entre [leurs] cuisses, le reste chez [elles] relevant davantage d’un garçon que d’une fille». Récompensé en Espagne par le prix Fernando Lara, Louves de mer n’est autre qu’une invitation au voyage et à la liberté que ces flibustières ne trouvent qu’embarquées.


Amélie Rigaud
( Mis en ligne le 20/05/2005 )
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