| Kristien Hemmerechts Le Jardin des innocents Actes Sud - Lettres néerlandaises 2005 / 21.50 € - 140.83 ffr. / 266 pages ISBN : 2-7427-5462-8 FORMAT : 12x22 cm
Roman traduit du néerlandais par Patrick Grilli. Imprimer
Nora est une jeune femme, actrice. Dans sa famille, elle est la benjamine. Ses aînées, Judith, forte tête, et Hélène, absente, comme évaporée, laccompagnent dans un périple vers la pension tenue en Espagne par leur tante, havre de leurs enfances, où elles venaient passer les vacances en familles
Havre ?...
Entre les Pays-Bas et la côte espagnole, Nora se raconte et les trois surs dressent ensemble le bilan familial, rythmé par les aires dautoroute, suivant une dégradation
Car le récit, de léger, proustien, senfonce dans le marais dun passé glauque, où des souvenirs plus corrosifs refont surface
Dans le maelström de le souvenance, la narratrice adulte vient corriger les images lisses et édulcorées retenues par lenfant quelle nest plus
Quelle famille na pas ses fantômes, tenus cachés dans un placard ou la grosse malle empoussiérée dun grenier ? Une tante aux dehors bab, cool attitude, masquant les contours anguleux, contondant, de linconséquence bourgeoise et du non-amour familial ? Une sur qui nen est plus une, ne répondant plus à la cadette que par phrases types, par clichés et regards vides ? Le père modèle malgré ses absences, en fait homo honteux trompant femme et enfants dans les bras dhommes anonymes ?... Les adultères, les quatre cents coups, certains au parfum dinceste, pourquoi pas des crimes, autant de faits montrant que la famille, aussi, est une chimère
On trouve de tout dans la malle dun vieux grenier
«Avec les parents de maman, nous formions à nous cinq un îlot de bon sens dans un océan de folie, une oasis de tranquillité dans un désert seulement peuplé de parents qui avaient simplement un grain de folie ou étaient complètement fêlés» (p.71)
Kristien Hemmerechts ouvre cette malle et en sort les étoffes délabrées mais flamboyantes du passé. Exercice éculé, certes, mais qui garde toujours de son charme. Parce quil sagit de famille, ici, le sublime côtoie le sordide de manière évidente, lamour, la haine, la jalousie, la concurrence, essences dun microcosme animal, envoûtant et vénéneux
«Un jour, nous serons réunies dans un silence et un abattement absolus parce que notre mère, contre qui nous nous sommes battues et qui telle une pierre sest trouvée sans cesse sur notre chemin, au contact de qui notre peau sest écorchée, sur qui nous nous sommes cassés les ongles, qui nous forçait à dépasser cette pierre pour que nous la pulvérisions et que ce soit comme si elle navait jamais existé, parce que notre mère, dis-je, ne sera plus là.» (p.141)
Si le récit est parfois brouillon, sans quon ne sache vraiment où lauteur nous conduit, il se lit aisément, capteur dune attention jamais lâche ; peut-être parce lauteur sapplique à montrer la laideur cachée des belles choses
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 01/06/2005 ) Imprimer | | |