| Anita Brookner Loin de soi Fayard 2006 / 19 € - 124.45 ffr. / 210 pages ISBN : 2213626111 FORMAT : 14,0cm x 22,0cm
Date de publication : 23/8/2006
Traduction par Simone Manceau. Imprimer
Auteur prolixe (21 romans édités en France depuis 1986), Anita Brookner est considérée comme lune des grandes romancières anglaises contemporaines. Inlassablement, elle met en scène des héroïnes prises entre des rêves raisonnables et une réalité quotidienne dun confort rassurant. Rien ne passe vraiment, mais, par touches discrètes, Anita Brookner peint toute une société.
Loin de soi ne fait pas exception : Emma Roberts, 26 ans, nous raconte sa vie au lendemain de la mort de sa mère. Lune et lautre avaient jusqu'ici mené une existence à la fois confortable et étriquée dans un quartier résidentiel londonien. Confort assuré sans doute en partie par Bob, le frère de sa mère, dont Emma déteste les intrusions brutales dans leur vie, et les liens qui unissent frère et sur, et lexcluent, elle, lorpheline, fille unique. Veuve jeune, sa mère sest repliée sur elle même, consacrant ses longues après midis tranquilles sur un sofa à sa passion de la lecture. Un mode de vie à lopposé de celui que souhaite Emma qui fuit vers Paris, grâce à des recherches bienvenues sur les jardins à la française au Grand siècle.
Lessentiel du roman se passe ainsi à Paris où Emma rencontre la vie incarnée par Françoise. Jeune femme de son âge, celle-ci occupe un emploi indéterminé à la bibliothèque où Emma effectue ses recherches (et nous retrouvons des ambiances chères à Anita Brookner) ; pétillante, avide de vivre, elle initie Emma aux plaisirs de la liberté, même si celle-ci nen use quavec modération. Dans le Paris des années soixante-dix, Emma noue une amitié amoureuse et platonique avec un jeune anglais de son âge, Michaël, passe des week-ends dans le château familial de Françoise, sur lequel règne sa mère, ambitieuse et volontaire, soucieuse de faire faire un «beau mariage» à sa fille pour assurer lentretien de la propriété. Les plaisirs dEmma sont minuscules, peuvent apparaître dérisoires, au regard de la vitalité de Françoise, mais saffirment cependant. Tout seffondre lorsque la mère meurt et quEmma doit affronter la liberté et ses choix. Elle le fait à sa façon, discrète, sans éclat, un peu terne, austère. Son incapacité à nouer des liens, à sengager fortement se précise, simpose au lecteur, avant quEmma ne sy résigne.
Anita Brookner tisse pour nous une trame soyeuse, un camaïeu de gris bleutés, qui nous entraîne progressivement hors du temps dans une rêverie éveillée ; tout un paysage de désirs inaccomplis, à peine exprimés, sesquisse, tandis que la silhouette dEmma prend chair. Des moments dobservation ironiques, tels le dîner au château avec la cousine pauvre à la table de laquelle Emma est reléguée, loin des invités plus prestigieux, et une conclusion en pirouette sur les générations qui se succèdent et malgré les discours proclamés avec léclat de la jeunesse - se ressemblent
Un joli moment de lecture, plein de «charme», au sens fort du terme. Comme dans ses romans précédents, Anita Brookner nous envoûte avec sa petite musique douce et entêtante, un rien désuète, hors du temps.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 23/08/2006 ) Imprimer
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