| Maria Rybakova La Confrérie des perdants Seuil - Cadre vert 2006 / 19 € - 124.45 ffr. / 204 pages ISBN : 2020847892 FORMAT : 14 x 21.0 cm
Date de publication : 24/8/2006 Imprimer
Jeune auteur russe (elle est née en 1973), Maria Rybakova enseigne le latin et la mythologie grecque à lUniversité dEtat de Californie, après des études menées en Russie, à Berlin et à New York, et un parcours qui la conduite à enseigner en Chine, puis à résider en Thaïlande
Passe dans son roman, La Confrérie des perdants, un peu de cette atmosphère de monde sans frontières, ni spatiales ni temporelles.
Le titre est superbe et intrigue demblée, et le lecteur se laisse immédiatement entraîner dans cette histoire étrange : «Ce malheureux concours de circonstances que je nomme ma vie a donné naissance à la publication de lhistoire de Kassian» : ainsi débute le livre. Nous y suivons le narrateur dans sa rêverie éveillée, ses souvenirs, les ombres qui lentourent. Né dans une famille riche déditeurs, il reprend la succession dun père indifférent qui a succédé au grand père fondateur. Sa sur a échappé au cercle familial en fuyant dès ladolescence ; reste le frère idiot qui sabîme dans des dessins méticuleux et crée un univers cohérent : «Mon frère ramasse des objets complètement inutiles et les pose sur le rebord de la fenêtre. Il appelle une bobine de fil la reine de France, une boîte dallumettes, sa prison, un peigne aux dents cassées, la guillotine. Pour lui une enveloppe est un bateau, une vieille pièce de monnaie, un boulet». La famille apparaît demblée pesante, lieu de contraintes et de folie, espace fermé, offrant en contrepartie le confort matériel.
Sans passion, le narrateur se plie aux règles et exerce son métier jusqu'aux rencontres qui modifieront sa vie et donneront un sens à une existence terne, au destin semblait-il tout tracé : celles de Ksénia, lamante mystérieuse, puis de Kassian, son époux veuf inconsolé, à lidentité ambiguë. Kassian, qui révèle le narrateur à lui-même et le pousse pour la première fois à exercer sa volonté propre. Kassian qui partira à Changchun, au fin fond de la Chine, à la frontière coréenne, enseigner langlais.
Le narrateur se perd alors, et rêve dun monde lointain, perdu en Asie, où se retrouvent des exilés de tous poils, «confrérie des perdants», contraints à lexil, un monde aux frontières du monde
Progressivement, le lecteur perd pied, les frontières entre rêve et réalité sestompent. Qui sont ces perdants ? Peuvent-ils sévader lorsquune épidémie exerce ses ravages? A quel prix ? Quen est-il du narrateur ? Esprit sage, désabusé, ou au contraire fragile ? Maria Rybakova nous perd dans des constructions infinies, nous égare à loisir. Un récit étrange et poétique, à découvrir.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/08/2006 ) Imprimer | | |