| Olivier Bordaçarre Régime sec Fayard 2008 / 22 € - 144.1 ffr. / 476 pages ISBN : 978-2-213-63477-7 FORMAT : 14,0cm x 22,0cm Imprimer
On avait adoré, uppercuté, le premier roman dOlivier Bordaçarre. Que dire de celui-ci, sinon quil est simplement meilleur. Au premier chef pour la plume, un style, une musique dans le phrasé (lauteur propose dailleurs en fin de course une discographie qui accompagna son écriture), une violence, patchwork de rage, de passion, dune tristesse parfois insondable, de joie peu, sinon à lombre rousse dune hacienda andalouse
Superbe ensuite parce que lauteur a su tirer de nos inquiétudes ce qui peut en être matière romanesque : reporter à demain, les années 2010, et en pire ce qui aujourdhui ne serait encore quà létat de germes. Si nous devinons, le sourire jaune, dans les gesticulations dun demi-napoléon à Ray-Ban, dans la cacophonie dun gouvernement inerte, dans le flou pas si opaque de relations politiques et économiques entremêlées, acoquinées, les dangers quelles renferment, à lépoque où Olivier Bordaçarre plante son intrigue, leurs fruits étranges ont bel et bien été produits : dictature sous cape dun état policier et ultra-libéral, implosion dune société ayant renoué avec des schémas quon croyait dépassés (lumpenprolétariat, castes sociales et raciales, lois liberticides
), anomie culturelle, ne survivant que dans des caves baignées de jazz
où se fomentent les révolutions
«Lépoque nétait plus à la révolte ni à la défense des principes républicains. On se foutait de tout, on avait encore un peu de pain, de la télé et du loto.» (p.132)
Trois itinéraires se suivent : celui dune famille de prolo des banlieues et de leur clochardisation, Clodie lex-pute, Jeff le chômeur aviné et leur fille Choupette, mutique ; celui des dAxoy, puissante famille, industriels avec qui compte le pouvoir : Charles, le capitaine au cynisme tout machiavélique, sa femme Clothilde, nimbée de marques, de griffes luxueuses et dennui, leur fille Anne-Sophie, dans son bateau high-tech perdu en plein Pacifique, pion dans un plan de com échafaudé par papa, la télé et les politiques
; dernier groupe, des êtres que les maux du temps ont fait basculer dans la révolution et le terrorisme, peut-être parce que chez ceux-là, encore sensibles et lucides, romantiques, toujours capables dindignation, ce régime sec éponyme nest pas acceptable. Et parmi eux, Art et Alice, tombés en amour à Séville, amoureux de bons airs de jazz, Coltrane en tête, passionnément amoureux
Il y a aussi Juan et Angela, domestiques espagnols chez les dAxoy, rêvant de leur retour au pays, et quelques CRS «new age», encore plus brutes et encore mieux armés.
Un roman politique écrit de main de maître, mais un roman avant tout. «Toute ressemblance
» sautera évidemment aux yeux du lecteur : cest demain, et déjà aujourdhui aux entournures
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 25/01/2008 ) Imprimer
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