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Les Bas-fonds
Francis Carco   Jésus-La-Caille - & L’Homme traqué
Albin Michel 2008 / 

- Francis Carco, Jésus-La-Caille, Albin Michel, Mai 2008, 218 p., 14 €, ISBN : 978-2-226-18665-2.

- Francis Carco, L’Homme traqué, Albin Michel, Mai 2008, 198 p., 14 €, ISBN : 978-2-226-18664-5.

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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La particularité de Francis Carco (1886-1958) est d’avoir décrit dans son œuvre la vie des malfrats, des petites frappes, des prostituées et des proxénètes en rendant compte d’un monde de la nuit, des quartiers populaires et des cafés parisiens. Crimes crapuleux, viols, chantage, trafics, Carco détaille dans ses romans ce qu’était la vie de ces voyous et de ces péripatéticiennes des années 20-30 dans le Paris nocturne et trouble des Halles ou de Montmartre. Il décrit ainsi sa propre vision romanesque : «Un romantisme plaintif où l’exotisme se mêle au merveilleux avec une nuance d’humour et de désenchantement». Pas faux, sauf qu’il y inclut également une touche de naturalisme froid non dénué de sordide et de sentiments bon marché.

Dans Jésus-La-Caille (1914), son œuvre la plus célèbre, il raconte l’amour impossible de la prostituée Fernande pour le proxénète Jésus. Entre désirs et scènes de ménages, le couple improbable ne s’en sort pas. Et pour cause, ils vivent dans un monde où l’on assassine en pleine rue, où l’on pousse les femmes à faire le trottoir, où on les bat, où l’on boit, où l’on manigance des affaires louches sans que personne ne se fasse confiance et où l’on se méfie des uns et des autres. Malgré un terrain quelque peu difficile, les sentiments ne disparaissent pas tout à fait et les cœurs souffrent de ne pouvoir vivre un amour simple et heureux. Du coup, Fernande passe de mains en mains, non sans violence à son égard, et Jésus continue ses trafics, ses trahisons et ses coups bas.

On ne s’est pas passionné par cette histoire un peu décousue, aux dialogues permanents et à la psychologie parfois inexistante. On varie ici entre une espèce de naturalisme social mêlé à une veine populaire comme il en fleurissait durant les années 20. Mais Dabit était plus sensible, Guéhenno, plus pertinent, et Queneau, bien plus drôle ! Ici, on touche parfois au sordide, à la saleté et le premier degré des situations lasse et ennuie. Le langage populaire, pour ne pas dire oral et vulgaire, que Carco utilise à foison dans la bouche de ses personnages, permet une fois de plus de s’immiscer dans le quotidien de ces petits malfrats sans foi ni loi. Mais au jeu des comparaisons littéraires, d’autres ont su exploiter la veine orale avec bien plus de phrasé ; les Céline et les Queneau en tête ont imposé leur trempe et Carco, pourtant plus âgé, n’a pu rivaliser. On le sent nettement dans ce roman.

Maturité oblige, L’Homme traqué, lui, est plus abouti. L’histoire est moins décousue et s’apparente plus au roman noir qu’au roman social. Lampleur est un boulanger solitaire qui décide de tuer une vieille femme afin de récupérer un joli petit pactole, la vieille ayant un sacré sens de l’économie (Comme on dit !). Mais il est persuadé qu’une prostituée, Léontine, qui travaille en face de sa boulangerie, était là la nuit du meurtre, arpentant le trottoir, et qu’elle a remarqué qu’il n’y avait personne dans la boutique. Tous deux, méfiants et en proie à la peur, vont s’attirer mutuellement pour former un duo peu commun avec son cortège de méfiance, de disputes, d’attirance physique et même d’amour. La tension étant trop forte, le poids de la culpabilité envahissant tout, le couple va se désagréger jusqu’à la chute inévitable.

Reprenant la trame de Jésus-La-Caille sur les rapports houleux, voire impossibles entre hommes et femmes, Carco produit ici un récit où le trouble vient s’immiscer à chaque paragraphe. En fin psychologue, il pénètre de manière assez vive la conscience de Lampleur, pauvre type torturé mais n’ayant pas l’intelligence lui permettant de réagir sereinement face à son crime, et du coup à sa propre bêtise. Léontine, toute en mystère et en douceur, ne révèle en fait que la part contrariée de l’artisan, alors qu’il devrait tout simplement partir avec elle et se racheter de son crime crapuleux. Carco écrit un récit psychologique qu’il modifie en roman policier où l’enquête est avant tout intérieure. On assiste aux questionnements permanents d’un homme traqué par lui-même.

Bref, lorsque l’on parle de bas-fonds, Carco examine aussi les recoins de nos consciences.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 30/06/2008 )
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