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Road-trip entre littérateurs
Frédéric Andrau   Quelques jours avec Christine A.
Plon 2008 /  18 € - 117.9 ffr. / 182 pages
ISBN : 978-2259209069

Date de parution : 21/08/2008.
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Dans son deuxième roman, Frédéric Andreau prend le parti de s'enfoncer dans un univers inconfortable et d'y entraîner le lecteur avec lui : entre mises en abîme étranges et multiples, et vouvoiement adressé à un autre qui n'est pas le lecteur, ou du moins pas uniquement lui, la forme met mal à l'aise.

Le narrateur est taraudé par une obsession incompréhensible, celle de savoir qui se cache derrière les mots de Christine A., auteur à succès ; car il ne supporte pas la façon qu'elle a d'écrire, n'aime pas le personnage qu'elle joue face aux caméras, et veut pourtant connaître ce qu'elle est, tout au fond d'elle. Il le veut tant et si bien qu'il la suit et réussit à la convaincre, après la foire du livre de Brive, de profiter de sa voiture pour rentrer à Paris, au lieu d'emprunter comme les autres auteurs le train.

Commence alors une errance circulaire dans le centre de la France, au cours de laquelle l'adorateur muet et la célébrité autoritaire entrent dans un jeu de manipulation réciproque. Il veut la priver d'écriture, la sevrer, l'obliger à vivre enfin et à ne plus se cacher derrière ce masque de perversion et de méchanceté qu'elle arbore dans ses ouvrages afin d'attirer des regards qu'elle abhorre. Elle veut correspondre à ce qu'elle suppose qu'il attend d'elle – à ce qu'attendent tous ses lecteurs, c'est-à-dire le monde entier – et l'utilise donc comme sa chose. Mais en l'enlevant ne s'est-il pas mué à son tour en tyran dominateur, et en acceptant de disparaître avec un inconnu ne met-elle pas à jour ses aspects les plus vulnérables ? Les réponses données à ces questions sont ambiguës, et l'évolution du style du roman, à laquelle les personnages eux-mêmes sont sensibles, est un indice aussi valable que les agissements des deux protagonistes, rapportés par un narrateur dont la stabilité mentale semble quelque fois presque aussi inquiétante que celle de sa destinataire – le fait qu'ils soient les protagonistes évoqués plus haut ne simplifiant rien.

Dans cet ouvrage pour le moins bizarre, l'objectif semble être d'interroger le mur que peut être l'écriture, mur de protection, mais aussi distance irrémédiable, projection de soi ou fantôme servant à détourner l'attention. L'auteur Frédéric Andrau donne la parole à un narrateur qui raconte et questionne le processus créatif du roman chez l'écrivain Christine A., conformément aux confidences de cette dernière et à ses propres hypothèses. Ce narrateur qui s'adresse à Christine A. écrit lui aussi, des lettres, projette d'écrire un livre sur elle, projette d'écrire le prochain livre de Christine A. à sa place, et nous fait part de ces ambitions dans un roman. Son écriture est envahie par celle dont il veut débarrasser son idole, au fur et à mesure qu'elle reprend pied et se défait de sa façon de tout compliquer, de sa manie de torturer la syntaxe et le sens.

Finalement, ce que le narrateur propose, ce n'est rien moins que de devenir une sorte de «portrait de Dorian Gray» conscient, celui qui prendrait sur lui tout le mal nécessaire à l'élaboration d'une gloire comme celle dont Christine A. a besoin pour exister heureuse, sans qu'elle n'ait besoin d'être elle-même rongée par ce mal. Elle pourrait être la jeune fille fragile qu'il devine cachée derrière la quinquagénaire odieuse.

Pour la tendresse qu'on lit dans Quelques jours avec Christine A., il est possible de passer outre le caractère extrêmement tortueux de l'intrigue, et la prose à la fois banale et obstinée de F. Andrau sert avec une grande habileté, reconnaissons-le, l'étrangeté de ce narrateur qui dans son désir de s'effacer totalement devant l'unique sujet de son roman, Christine A., devient le temps d'une dédicace (la dixième du même ouvrage en une heure) «celui qui n'a pas de nom» (p.36).


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 20/08/2008 )
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