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Au commencement était le père | | | Mathieu Riboulet L´Amant des morts Verdier 2008 / 9,80 € - 64.19 ffr. / 96 pages ISBN : 978-2864325444 FORMAT : 14X22 cm
Date de parution : 25/08/2008. Imprimer
Pour Jérôme, au commencement était le désir du père pour lui. Violé presque toutes les nuits, lincipit du roman porte leffroyable transgression, inscrite dans le quotidien de ses jours : «Le père, de temps à autre, couchait avec le fils. La mère ne voyait pas». A laide de son style fleuri, riche et dense, Mathieu Riboulet transforme les cinquante premières pages du récit en un chant des origines avec des accents vétérotestamentaires qui ne sont pas sans faire penser aux lamentations de Job.
Le père de Jérôme, bûcheron, travaille de sa hache les hauts plateaux venteux de la Creuse, quand la nuit venue, ce bourreau des troncs, rejoue le sacrifice dIsaac, sans quici aucun ange ne dissuade le couteau de pénétrer les entrailles du fils. Ce meurtre symbolique irradie le livre qui suit à la trace le désir dun jeune homme, prisonnier du cercle étroit tracé autour de lui par son père : «Il ne savait de son corps rien dautre que le besoin qui y avait imprimé son père, mais il le savait sur le bout des doigts».
Cette histoire prend tout son sens grâce au talent dévocation de lauteur, transfigurant le réel par une langue à la limite de labstraction parfois, agrémentée daphorismes, sel des meilleurs traités moraux : «en quelques jours la vie se transforme, il suffit pour cela dun mot, dun mort ou dun silence». Ce livre paraît quelquefois laboutissement du sillon tracé par Mathieu Riboulet dans ces livres précédents, notamment Le Corps des anges et Les Âmes inachevées, publiés aux éditions Gallimard.
Malheureusement, le récit névite pas le sensationnalisme impudique du sexe, flattant notre voyeurisme décomplexé par la pornographie ambiante. Le «sperme», le «cul» ne choquent plus personne et offrent une traverse bien facile, empêchant le roman de sépaissir. Dailleurs, il tourne tout à fait à laigre dans ses vingt dernières pages, quittant les rives du mythe pour celui de la réalité crue, plate et revendicative de la littérature consacrée au SIDA.
La vie de Jérôme, expiation des crimes dun père dégénéré, soutenue par la plume acérée de Mathieu Riboulet, offre, quoiquil en soit, un vrai moment de littérature.
Julien Éauze ( Mis en ligne le 25/08/2008 ) Imprimer | | |