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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Peter Ackroyd La Chute de Troie Editions Philippe Rey 2008 / 18 € - 117.9 ffr. / 233 pages ISBN : 978-2-84876-119-0 FORMAT : 15cm x 22cm
Date de parution : 21/08/2008.
Traduction de Bernard Turle. Imprimer
Sapproprier et réinventer le passé quil sagisse dHistoire ou de littérature - telle est sans doute la manipulation favorite de Peter Ackroyd. Figure de proue de la littérature postmoderne anglaise, adepte invétéré de lintertextualité, il mêle savamment réalité et fiction, authenticité et usurpation, dans des jeux décriture sophistiqués révélateurs dune insondable érudition.
De biographies ouvertement romancées (Chaucer, Shakespeare, Dickens
ou, dans une veine différente, lépoustouflante «biographie» de Londres) en pastiches originaux (Le Testament dOscar Wilde, Chatterton, La Maison du Docteur Dee, Le Golem de Londres, Le Complot de Dominus
), Peter Ackroyd sest surtout concentré sur lhéritage culturel anglophone. Petite nouveauté donc avec La Chute de Troie, son dernier roman, pour lequel il sinspire de larchéologue dorigine allemande, Heinrich Schliemann (1822-1890) quil transforme en personnage mythique, Heinrich Obermann, le bien-nommé qui tient à la fois du démiurge, du surhomme et du demi-dieu.
Tout comme son modèle, Obermann, né pauvre, a fait fortune dans les affaires avant de devenir archéologue. Animé dune conviction inébranlable, il veut prouver au monde que les poèmes dHomère décrivent des vérités géographiques et historiques, quitte à manipuler, voire tronquer, la réalité lorsquelle ne correspond pas à ses attentes et à négliger volontairement les pratiques archéologiques en vigueur, préférant linstinct à toute analyse scientifique. Cest sur le célèbre épisode des fouilles dHissarlik en Turquie que se concentre La Chute de Troie.
Accompagné de Sophia, la toute jeune femme grecque quil vient dépouser, Obermann rejoint le chantier de fouilles. Quil soit en train de mettre au jour les ruines de Troie ne fait aucun doute pour lui et ceux qui osent le contredire connaissent des fortunes diverses tout comme disparaissent opportunément les multiples preuves qui permettent de mettre à mal plusieurs de ses théories (en particulier sur les guerriers troyens, selon lui dorigine européenne et de race noble). Aide divine ou pur hasard ? Obermann semble invincible et finit par se croire immortel. Ce monstre dautosatisfaction, tyrannique, fort en gueule et incapable de la moindre remise en question nest pas franchement sympathique ! P. Ackroyd ne laisse pas le lecteur avoir accès aux pensées de son personnage principal et privilégie à dessein le point de vue de Sophia. Ce choix permet de comprendre les raisons dune excavation parallèle celle du passé dObermann par son épouse dont les sentiments évoluent au fil du roman, passant de ladmiration à une forme de répulsion.
Lorgueil démesuré qui mène aux égarements les plus fous et à la chute finale, le schéma est familier mais, comme toujours, P. Ackroyd sait sécarter des sentiers trop balisés. Mises en abîme successives, foison déchos littéraires et mythologiques, richesse de la réflexion : La Chute de Troie constitue un vrai plaisir de lecture remue-méninges !
Florence Cottin ( Mis en ligne le 10/09/2008 ) Imprimer
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