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| Alfred de Vigny Marie Dorval Lettres pour lire au lit - Correspondance amoureuse d'Alfred de Vigny et de Marie Dorval. 1831-1838 Mercure de France - Le Temps retrouvé 2009 / 19,80 € - 129.69 ffr. / 297 pages ISBN : 978-2-7152-2898-6 FORMAT : 14cm x 20,4cm Imprimer
Les actrices, les chanteuses dramatiques, furent les idoles très peu vaporeuses des Romantiques, lesquels brûlèrent tous davoir la leur... Mademoiselle Mars, La Malibran, Juliette Drouet, Mademoiselle Rachel et Marie Dorval : elles portaient sur leur front léclat des ovations, dans leurs parures le parfum de soufre et de stupre de la courtisane, et dans le regard lambigu dune âme qui en revêt, chaque soir, une autre.
Cest pour lactrice Marie Dorval que Vigny écrivit Chatterton. Il gratifiera ensuite son souvenir dune vengeresse Colère de Samson : «Une lutte éternelle en tout temps, en tout lieu / Se livre sur la terre, en présence de Dieu, / Entre la bonté dHomme et la ruse de Femme. / Car la Femme est un être impur de corps et dâme.»
Correspondance amoureuse dAlfred de Vigny et de Marie Dorval, affirme la jaquette
Hélas, cest un Vigny bien maigrichon quon nous offre ici. Quant à lactrice... Ses lettres sont bien émouvantes, attendrissantes en diable, et les élans sy élancent assez pour ne pas déparer une passionaria du romantisme
Seulement, une dizaine seulement de ces lettres, lues au coin dun bon feu, nous eussent comblé
! Mais cen est une centaine quil faut ingurgiter, avec le menu que voici : la jalousie et les tourments, la soif détreintes charnelles, le gouffre des dettes qui aspire lénergie et le temps, la vie éreintante de lactrice bohémienne, ballottée dans sa roulotte : «Je tenvoie une de ces fleurs que jai reçues. Baise-les car elles me coûtent cher !» (p.179). Cest joliment dit : car tout, dans ces Lettres, est très joli !
«Mon pauvre Alfred, je me suis laissée aller au besoin de causer avec toi peut-être un peu trop longuement. Tu me diras si cela ta ennuyé» (p.122). Le pauvre Alfred ne sennuyait pas : il était amoureux ! Nous ne le sommes pas, et Ces lettres pour lire au lit portent bien leur nom : elles nous font sombrer dans un demi-sommeil, dans une vase dennui que ne parviennent à remuer ni les rares lignes de Vigny ni lirruption, après la rupture, dun tiers manipulateur et envieux, par là un peu piquant, Pauline Duchambge, lamie sournoise des deux amants. Nous espérions quelque chose dun peu roboratif : nous ne reçûmes quune louchée de douleurs, une cuillerée de passion, saupoudrées dune pincée dérotisme intermittent et gentiment scabreux car Vigny nétait certes pas, avis aux amateurs de piment paillard, un chevalier à la tour abolie. Cest ce quatteste la fameuse lettre Pour lire au lit, que vint maculer un fluide qui nétait pas de lencre.
Les lettres de Marie Dorval nennuient certes pas toujours : le déversement chaotique de mots, la syntaxe brisée de lactrice, ont leur charme naïf. Mais toute cette innocence, cette verdeur, paraissent bien apprêtées, tous ces lamentos trop bien joués. La Dorval nest-elle que le perroquet des rôles quelle joue ou souffre-t-elle véritablement de léloignement se son amant, et dune vie dont le vernis de gloire cache les vicissitudes ? Badine-t-elle, ou sémeut-elle ? Son caractère néclate pas assez quon évite de sinterroger. Quimporte la sincérité ! dira-t-on. Certes ! à condition de captiver
On tombera de temps à autres, soyons justes, sur quelques belles couleurs : «Tu prends le rouge que je mets sur la figure pour de la joie !» (p.171). Ou bien cette découverte attristée, à la douleur vraie : «[
] je ne croyais pas quon pût souffrir autant dun sentiment perdu» (p.209). Marie Dorval était une femme honnêtement habitée, pas de doute ! Mais dont les lettres peinent à sertir les fièvres et les battements de cur.
Jean-Baptiste Fichet ( Mis en ligne le 11/12/2009 ) Imprimer | | |
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