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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Amélie... | | | Michel Zumkir Amélie Nothomb, portrait d'un monstre littéraire Le Grand Miroir - Une vie 2003 / 14.00 € - 91.7 ffr. / 183 pages ISBN : 2-930351-39-X FORMAT : 14 x 19 cm Imprimer
Si Amélie Nothomb est fort prolixe, aucun ouvrage navait été encore consacré à la fantasque Belge, abonnée aux meilleures ventes depuis son premier roman Hygiène de lassassin (1992). Cest désormais chose faite avec ce livre consacré au « monstre littéraire » par le Belge Michel Zumkir, écrivain lui-même (Cest pas fini, Balland, 2000) et critique littéraire. Louvrage est conçu comme un abécédaire, qui, déclinant un alphabet thématique très large, se veut le plus exhaustif possible concernant Amélie Nothomb, son uvre, son entourage, ses sources dinspiration, sa vie de femme célèbre. Michel Zumkir na pas ménagé ses efforts et a effectué un énorme travail de recensement et de documentation. Il est en outre parti à la recherche dinterviews exclusives de personnes importantes qui ont côtoyé ou côtoient lécrivain : sa sur Juliette, ses parents Patrick et Danièle, son attachée de presse chez Albin Michel, Florence Godfernaux, lactrice Sylvie Testud, qui joua dans lexcellente adaptation cinématographique de Stupeur et tremblements, Alain Corneau, le réalisateur de Stupeur
, létrange chanteuse Robert, pour laquelle Amélie Nothomb a écrit plusieurs chansons dont le très troublant Nitroglycérine , et bien dautres encore. De même, lauteur laisse beaucoup de place aux « fans », puisque, telle une véritable star, Nothomb déchaîne passions et réactions extrêmes : «Il faut que je reconnaisse tout de même quAmélie Nothomb ma sans doute sauvé la vie (je ne plaisante pas) dans une de mes périodes les plus noires. Son soutien ma évité de me suicider. Je lui en serai éternellement reconnaissante. Je préfère donc lappeler ma déesse, ma sauveuse, ou mon regard suffisant. Cela me semble beaucoup plus juste que de lappeler mon amie.» Un admirateur aurait même fait le voyage Chartres-Bruxelles pour se présenter nu au domicile de l'écrivain ! On saura gré à Michel Zumkir davoir parfaitement su restituer, avec de nombreuses anecdotes, lunivers ambigu et trouble qui entoure la « galaxie » Nothomb : les voyages, le succès, la solitude, les admirateurs, lamour des lettres, le tourbillon de la rentrée littéraire, les mondanités, la singularité au milieu des honneurs
Pourtant, la qualité de louvrage fait en même temps son défaut, et lon ressort vaguement insatisfait à la lecture de ce travail. Car malgré tout le respect que lon ressent, cet Amélie Nothomb se lit plus comme un décryptage du «personnage» quau fil du temps lécrivain, fin stratège, a su se construire, entre politesse distante et clientélisme médiatique au point de se perdre dans des talk-shows qui ne firent que stigmatiser ses bizarreries marketing. Si lon apprend beaucoup de choses sur Amélie Nothomb, femme publique ses prix, ses chiffres de ventes, les rouages de sa maison d'édition, son rapport compliqué aux médias et à son image et femme privée sa prestigieuse lignée familiale, son enfance, ses études, ses amis, sa vie parisienne , Zumkir laisse finalement peu de place à luvre que la Belge a façonnée au fil du temps et qui lui vaut cet énorme succès public et populaire. On aurait préféré que lauteur sattarde sur les thèmes récurrents de la dizaine de romans qui constituent luvre nothombienne et en font la valeur : la laideur, lintrusion, lincongruité, la difformité, le double sublimé ou débauché, la perversité du lien, la beauté féminine qui laisse impuissant et conduit à la folie. Et au-delà, une pudeur maladive, un rapport charnel aux livres et à la création, une écriture brillante, mélange délégance et de trash. Petit regret : à la lettre «P», on ne trouve pas le mot « pneu », que lauteur sest promis de placer dans chacun de ses romans !
Pour ceux qui lapprécient, Nothomb est bien plus que cette Belge bizarre à chapeaux, ventes record et fruits pourris. Même si lon sent chez Zumkir une immense admiration, cette volonté farouche de faire passer la Nothomb pour un «monstre littéraire» dessert peut-être le propos. Plutôt que des preuves ostensibles de sa notoriété et de son talent, on aurait aimé que Michel Zumkir puise au plus près de ce que Nothomb fait avant tout admirablement bien : écrire, parce que cest tout ce quelle sait faire, écrire comme une délivrance, à linstar de cette description aux éclats de violence fulgurante : "Lygie nue est accrochée à mon dos. Je sens ses fesses virginales et ses reins archangéliques. Ce contact me rend fou. Je me mets à ruer, à sauter, à courir. A force de gesticuler, le corps de Lygie se retourne à cent quatre-vingts degrés. Ses seins pointus se collent à mes omoplates, son ventre et son sexe sont écartelés sur mon échine saillante. Je suis un aurochs et tout ceci me déchire la cervelle. Furibard, je décide que cette créature tombera de moi." (Attentat, 1997)
Caroline Bee ( Mis en ligne le 28/11/2003 ) Imprimer
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