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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
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Annie Ernaux : l’œuvre, ses lecteurs, ses critiques | | | Lyn Thomas Annie Ernaux, à la première personne Stock 2005 / 20.50 € - 134.28 ffr. / 316 pages ISBN : 2234057450 FORMAT : 14 x 22 cm
L'auteur de l'article : Arnaud Genon est professeur certifié en Lettres Modernes, doctorant à l'université de Nottingham Trent, où il termine une thèse sur Hervé Guibert, et membre du Groupe Autofiction ITEM-CNRS. Imprimer
Annie Ernaux est désormais une figure dimportance dans le champ littéraire contemporain français. En 20 ans et 15 ouvrages, elle a su imposer une écriture singulière où le « je » est omniprésent. Aussi, au moment où sort, chez Gallimard, le dernier opus ernausien en collaboration avec Marc Marie, LUsage de la photo, létude de Lyn Thomas vient proposer une approche de lensemble de son uvre, preuve de lintérêt que suscite lauteur de Une femme (Gallimard, 1988).
Cet essai résultant « non seulement dune recherche universitaire mais aussi dune occupation » (p.15) dans le sens où lentend Annie Ernaux (voir LOccupation, Gallimard, 2002) est divisé en deux parties. La première analyse les textes de lauteur, individuellement dabord, en ayant toujours à cur détudier les échos intertextuels internes au corpus. Ainsi, le lecteur se trouve appelé à suivre une trajectoire, un cheminement fait de continuité et de fractures entre écriture romanesque, « autosociobiographie » et ce qui relève davantage de lécriture simplement autobiographique, même si Ernaux tend constamment à aller « au-delà du personnel, de lindividuel » (p.161).
Car ce quelle vise, cest une ethnologie, une sociologie delle-même, cest-à-dire quelle tient à prendre en compte les éléments extérieurs qui participent à la construction du moi, qui le façonnent. Lécriture du « je » relève alors tout autant de lintime que de « lextime ». Puis, cest à travers lapproche de certaines thématiques telles que celles de largent, du regard ou de la culture, que luvre continue de séclairer. Cest là quest mis à jour, de manière très intéressante, ce clivage propre à luvre dErnaux, entre dun côté le monde « populaire », celui de ses parents et de lautre, un univers « bourgeois » auquel elle accède par lintermédiaire de léducation et de la culture.
La deuxième partie de louvrage se penche, non plus sur lensemble des textes dAnnie Ernaux, mais sur leur réception : par ses lecteurs dans un premier temps, par la critique universitaire ensuite et par les médias, enfin. Là se trouve loriginalité de létude de Lyn Thomas, dans cette volonté d« amener les lecteurs dans la critique, et danalyser les textes non comme des systèmes clos, mais comme lieu de signification sociale » (p.177). On ne peut plus aujourdhui envisager une uvre littéraire en dehors des grilles de lecture proposées par ceux qui la promeuvent : journaux, télévision, universitaires
et le critique en prend acte ici.
Létude des lettres des lecteurs et lectrices est évocatrice dans la mesure où elle permet de construire un discours de la réception qui se focalise respectivement sur lauteur, parfois considéré comme une star, comme un être tour à tour proche et inaccessible, sur le lecteur, qui à partir des textes dAnnie Ernaux construit son propre moi dans la mesure où « plus quaucune autre sorte décriture, un texte autobiographique implique ses lecteurs, et les oblige à se situer face à ce qui est exprimé » (p.201) et enfin sur le texte, les lecteurs sappropriant le langage ernausien pour exprimer à lauteur leurs propres expériences, ou commentant certains passages de ses livres. Ainsi est mise en relief « la nature sociale du texte littéraire » (p.219) ernausien.
Cest ensuite la réception critique qui est abordée, dabord universitaire et internationale puis celle des médias français. Lanalyse révèle alors les discours critiques dominants sur luvre dErnaux : ceux qui ne sintéressent quà lauteur au détriment des textes et ceux qui la rejettent « de la sphère de la littérature » (p.239). Enfin, dans le dernier chapitre, Lyn Thomas abandonne la voix impersonnelle de luniversitaire pour se livrer et laisser place, à son tour, au « je ». Et ainsi, dévoile les relations entretenues avec le « je » ernausien afin de rendre compréhensibles les raisons qui motivent les choix de textes des critiques.
Cette étude riche et menée de façon rigoureuse éclaire dun jour nouveau le travail dAnnie Ernaux. Elle a surtout le mérite, tout en restant toujours intelligente, de ne jamais sombrer dans lhermétisme et dêtre ainsi accessible au plus grand nombre de ses admirateurs.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 14/03/2005 ) Imprimer | | |
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