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Pausole Roi
Pierre Louÿs   Les Aventures du Roi Pausole
Flammarion - GF 2008 /  8.30 € - 54.37 ffr. / 381 pages
ISBN : 978-2-08-071214-1
FORMAT : 11x18 cm

Préface de Jean-Paul Goujon.

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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Les Aventures du Roi Pausole a été écrit en 1901 et est d’abord paru en feuilletons dans Le Journal. Ce sera le seul ouvrage que Pierre Louÿs (1870-1925) verra publié de son vivant. Il raconte les péripéties du Roi Pausole, de son fidèle valet Taxis et d’un page nommé Giglio, qui partent à la recherche de la princesse Aline, la propre fille du roi, qui a quitté le royaume en compagnie d’un étrange inconnu.

Très vite, on comprend que Pierre Louÿs, écrivain à la fois érudit, sensuel et provocateur, réputé pour ses qualités de styliste, prend le prétexte de raconter cette histoire un peu folle pour distiller ses théories littéraires, ses critiques sociales et ses réflexions politiques. Prenant le parti du roman picaresque, il déploie toute une armature langagière afin de nous conter son histoire à l'imagerie symbolique (Louÿs, d’ailleurs, n’évoque pas ce rapprochement littéraire et parle davantage d’un conte au sens du XVIIIe siècle).

Pausole est un roi aimé, intelligent mais paresseux et fantasque, qui n’applique aucunement en son royaume les règles qu’il prône en société, comme la liberté individuelle, l’autonomie ou l’amour libre. S’il gouverne son pays, Tryphême, de façon juste et équitable, il s’adonne à des pêchers qu’on peut lui pardonner mais qui empêchent aux femmes de son harem de profiter de leur liberté et de leur statut social… Sa fille, elle aussi, est contrainte de rester au palais. C’est le motif de son départ avec une jeune actrice déguisée en homme. Durant tout le chemin où de multiples aventures conduiront l’équipe de Pausole, notamment le page libertin Giglio, à des situations cocasses mais toujours pleines de sens, la quête de la princesse reste l’enjeu principal.

Pierre Louÿs, dans un style extrêmement vivant et ironique, place de pures scènes de comédie où quiproquos, situations grotesques, et dialogues fins se succèdent dans un rythme qui s’associe à la promenade de Pausole. Chaque personnage tente de représenter les thèses de Louÿs. Pausole et Giglio répondent aux préoccupations politiques de l’écrivain quand Taxis incarne le rigorisme total. Mais Louÿs ne caricature pas ce dernier en montrant parfaitement sa lucidité malgré le fait que Giglio fasse en sorte de l’écarter en permanence des situations périlleuses. En fait, c’est Giglio le personnage central du roman. Page libertin, amoral et poète, il est la figure du libertaire manipulateur et sensible. C’est lui qui va entraîner les siens dans son plan de conquêtes féminines incessant et permettre à tous de revenir au royaume avec le sens du devoir (et du plaisir) accompli.

Plus qu’un écrivain sensualiste, Louÿs était ce que l’on appelle un obsédé sexuel. Il y a des passages dans le livre qui, bien que suggérés par un style tout en ironie et en métaphores filées, laissent place à des scènes d’orgies gigantesques, de déflorations peu morales, de parties douteuses ou encore d’adultères en masse ! Giglio doit coucher avec une dizaine de femmes durant la cavale, sans compter qu’il finira par séduire la reine et la fille à quelques heures de distance ! Il est curieux que certains passages n’aient pas été censurés tant les scènes suggérées sont scabreuses et peu conformes avec la morale de l’époque. C’est au final une chance pour le lecteur car chez Louÿs la distance et la beauté l’emportent sur la provocation.

L'intéressante préface de Jean-Paul Goujon insère une lettre de Louÿs qui permet d’y voir plus clair sur sa vision des femmes et des passions: «Un des regrets de ma vie, c’est que je n’ai jamais pu être amoureux d’une seule personne à la fois. L’amour (et je parle de l’amour le plus sentimental) est chez moi une petite maladie qui m’égare de temps en temps et me fait trouver deux ou trois personnes supérieures à tout le genre humain pour les motifs les plus divers. J’aime généralement mon amie, plus la personne avec qui je trompe cette amie, plus une passante à qui je ne parle pas et qui est quelquefois une ancienne maîtresse. C’est très fatigant, moralement. – Et ne croyez pas qu’il s’agisse de désirs passagers ou de songeries vagues : non, ce sont toujours des passions violentes» (Lettre à Mme Bulteau, 17 septembre 1898). Même si Giglio semble s’en satisfaire, ce besoin maladif de femmes présuppose une souffrance intérieure indéniable qui ne va pas forcément à l’encontre d’une certaine forme d’ultra sensibilité chez lui.

Les Aventures du Roi Pausole est le Ubu Roi de Pierre Louÿs. D’ailleurs, Jarry salua le livre à sa sortie, y voyant sûrement une réplique, voire un hommage à sa célèbre pièce de théâtre. Roman symbolique, érotique, libertin, antireligieux, mais aussi de la liberté de ton et de mœurs chère à Scarron auquel on peut penser parfois, ce roman a été écrit dans la douleur. En effet, Louÿs traversait une période difficile et la rédaction lui prenait des jours entiers de travail incessant. Il avoua n’avoir jamais été aussi malheureux que durant la période où il composa ces chapitres pour Le Journal. C’est la force d'un grand écrivain que de produire un roman faussement léger, vraiment drôle et puissamment fécond durant ses crises de désespoir.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 22/10/2008 )
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