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Une longue désintégration
Joseph Conrad   L’Agent secret
Gallimard - L'Imaginaire 2008 /  12,50 € - 81.88 ffr. / 453 pages
ISBN : 978-2070121779
FORMAT : 13,5cm x 19cm

Contient un DVD : Agent secret d’Alfred Hichcock.

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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Que l’on ne s’attende pas à un roman policier, ou encore à une fiction politique dans L’Agent secret de Joseph Conrad (1857-1924), long roman rédigé durant l’année 1907, mais plutôt à un portrait d’une société méconnue et sombre du Londres de la fin du XIXe siècle.

A l’heure où le terrorisme de masse a installé le chaos partout, où les inégalités planétaires et les aberrations religieuses font rage, il est intéressant de se replonger dans un fait divers authentique, la tentative avortée de faire sauter l’Observatoire de Greenwich en 1894. Le mépris évident de Conrad pour le terrorisme idéologique (quelles que soient ses motivations) et les anarchistes (puisqu’il s’agit ici de groupuscules d’extrême gauche), comme il l’explique dans sa courte mais touchante préface, n’est en fait pas le vrai sujet du livre : «Je me rappelle toutefois que je fis des remarques portant sur la futilité criminelle de tout cela : doctrine, action, mentalité, ainsi que sur le mépris que mérite cette attitude insensée. Selon moi, elle s’apparente à une impudence escroquerie, celle d’exploiter les souffrances poignantes et les crédulités passionnées d’une humanité toujours si tragiquement avide d’auto-destruction. C’est là ce qui à mes yeux rendait les prétentions philosophiques de l’anarchisme si impardonnables» (pp.12-13). Vision claire et sans concession du monde qu’il s’apprête à décrire.

Car après ses considérations politiques, il nous dresse un portrait à la fois social (donc historique pour nous lecteurs de 2008) et psychologique des diverses classes dominantes (commerçantes, terroristes, politiques, policières, etc.) de l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. Rien ne sert d’y relater l’histoire dans ses détails les plus troublants, seuls les personnages de la cause révolutionnaire (Monsieur Verloc l’agent secret, Mme Verloc la femme amoureuse, Heat le policier ou encore Ossipon le terroriste) agissent pleinement, croyant fermement à leurs idées, et foncent tête baissée dans leur quête absurde de vérité, fatalement incomplète et polluée d’idéologies primaires et d’idéalisme avorté.

Conrad apparaît d’avantage dans ce roman dense et âpre comme un «technicien» de la narration que comme un conteur, ce qui parfois perturbe le récit en l’enlisant dans un ensemble extrêmement compact. Si l’intrigue policière est rudement menée au moyen de dialogues ciselés et imprégnés des codes du genre (le policier Heat répondant la plupart du temps à cette approche littéraire, et c’est tout à l’honneur de Conrad d’avoir créé ce personnage.), le drame familial, qui est le vrai sujet du livre, aussi douloureux soit-il, finit par prendre le pas sur les motivations des personnages, tous enlisés dans l’échec de leurs tentatives. C’est évidemment volontaire chez Conrad, mais la lecture en pâtit : trop de romance tue le romanesque peut-être…

Reste un roman méconnu du célèbre auteur de Lord Jim, écrivain prolifique et un peu fou, qui doit figurer dans toute bonne bibliothèque qui se respecte, de par son idée novatrice et sa construction romanesque alléchante.

Le livre est présenté avec Agent Secret (Sabotage) d’Alfred Hitchcock, film réalisé en 1936 avec Sylvia Sidney et Oscar Homolka, directement inspiré du roman que nous commentons. Et il est amusant de constater que le réalisateur ne s’est attaché qu’à l’intrigue seule en méprisant (de manière outrageuse !) toute l’intensité psychologique du livre de Conrad. Une scène en est le triste exemple. Alors que l’écrivain anglais a pris soin de ne pas détailler la scène de l’attentat en ne l’évoquant qu’à travers les propos des personnages avant et après son déroulement la rendant ainsi tout à fait mystérieuse aux yeux du lecteur, Hitchcock, en maître obsessionnel du thriller, décide de la détailler et d’en faire le moment clef de son long métrage avec quelques rebondissements et une bonne dose de suspens ! Si Conrad a joué de l’ellipse romanesque, ça n’était pas pour rien ! Mis à part cet écart artistique, le film ne vaut que par ce qui est montré et ne serait être mis sur le même plan que l’œuvre littéraire, autrement plus forte, dont il s’inspire. D’où le décalage évident entre le roman pré-existentialiste de Conrad et le film à suspens d’Alfred H.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 19/08/2008 )
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