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Littérature  ->  Poésie & théâtre  
 

Une force évocatrice peu commune
Maurice Mourier   On se sent moins jeune par temps pluvieux
Caractères 2009 / 

Illustrations de Pascaline Mourier-Casile
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Nostalgie, tristesse et gaieté mêlées caractérisent ce très beau recueil de poèmes. Avec une force évocatrice peu commune, Maurice Mourier nous emporte et nous révolte, nous agace parfois et nous fait rire souvent.

On ne sait d’ailleurs pas à quoi s’en tenir au début : la «parole bête» et les borborygmes «Beuh Meuh Beuh Meuh» de Meuh Meuh est mort interrogent. On se demande bien où il veut en venir… On se dit même qu’il se paie un peu notre tête, l’auteur. Puis on en rit ! Même si le faux exergue à ce premier poème, «Kunstgeschichte von die Meuhmeuh, III, 6, sqq», n’est pas que comique, au contraire : l’auteur dit ainsi à sa manière, avec drôlerie (certes) et finesse, qu’il ne se place pas dans une lignée reconnue par les tenants de la règle et du bon ordre des arts. Il le dit encore à la fin dans ce surprenant et non moins utile post-scriptum qu’il adresse à Ajoupa-Bouillon, l’héroïne très poétique de son précédent roman : «c’est la meilleure définition de la poésie, celle que je pratique en tout cas, celle où pas de réponse est la meilleure réponse».

Ce n’est pas tout à fait vrai car au mystère que le début du recueil soulève, la fin donne un sens, «quand s’ouvre la porte / Et que le pied massif ajustée et tenace / la souveraine s’avance à travers ton corps». Chaque poème nous rapproche de cette image de «la souveraine» qui avance inéluctablement et transperce assurément, toujours. Elle apparaît d’abord drapée des souvenirs de l’enfance, à cet âge où la mort n’est qu’un vague regret d’une humanité défunte. Qui n’a pas pleuré enfant en lisant Oceano nox ? Combien de fois n'a-t-on soi-même pensé à ces «millions de bouches au fond de la mer» ? Puis elle frappe ceux qu’on connaît, cette fille, noyée, et ceux qu’on aime : «Adieu grand-mère / Elle n’est pas venue». Toutes des ombres, jusqu’à la dernière…

Entre cette enfance et cette mort, qu’y a-t-il donc ? Il y a le monde et le temps qui passe, la nature et les saisons, infatigable recommencement, et la littérature, ou plutôt les mots. Ah ! les mots ! Du titre, si beau, au tout dernier mot du recueil, Maurice Mourier ordonnance la langue avec maestria et efficacité. Ses ruptures rythmiques et syntaxiques, ses jeux et ses coups de gueule, tout énergie et vie, vainquent sans peine la «Fatigue / Grande fatigue des fatigués».

Dans sa préface, François Lesclun rappelle les accents baudelairiens du titre. C’est vrai. C’est vrai aussi que Maurice Mourier partage avec Baudelaire les ciels lourds et jaunes, et l’humidité des terres grasses et froides. Mais les mots dont il habille l’attente de la mort n’ont pas la pesanteur noirâtre du spleen baudelairien. L’inspiration est bien plus vaste et hétéroclite : n’y a-t-il pas, parmi tant d’autres, du Villon beaucoup («Jeunes beautés qui fuyez si vite vers l’au-delà des dunes / Qui fuyez je ne sais pourquoi») et du Michaux, sans doute ?

Notre langue est pétrie des mots de tous ceux qui nous ont précédés et c’est en partie la beauté que nous aimons lui reconnaître. Mais les références de Maurice Mourier ne sont que des hommages. Le sujet lui est si personnellement profond… Ne trouve-t-on pas ce traitement, triste et drôle à la fois, du temps passant et vieillissant, dans tous ses ouvrages, de son premier à son dernier roman. En 1974, dans Godilande ou journal d’un mort, n’écrivait-il pas déjà que nous étions «condamnés à une déchéance que tout le poids de nos tristesses ne conjurerait pas» ? Ne faut-il donc pas en rire ? On se sent moins jeunes par temps pluvieux offre à l’âme cette force de pouvoir passer d’un sentiment à l’autre avec la même intensité.

Le recueil est illustré par de très belles reproductions de peintures de Pascaline Mourier-Casile, l’épouse de l’auteur et, on le ressent, sa principale complice. Traitées en noir et blanc, elles tendent un miroir en abîme à l’imaginaire poétique, prolongeant en quelque sorte cet aveu : Maurice Mourier n’écrit-il pas «un peu comme dans un rêve» ?


Rachel Lauthelier
( Mis en ligne le 03/02/2010 )
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