| Marie-Claire Bancquart Anamorphoses Autres Temps - Ecrits des Forges 2003 / 8 € - 52.4 ffr. / 116 pages ISBN : 2845211465 FORMAT : 13 x 20 cm Imprimer
La subtile différence entre ce que lon regarde et ce que lon voit apparaît ici, dans ces «Anamorphoses» qui, selon langle où lon se place, relèvent dune approche figurative ou abstraite du monde les deux concepts, au fond, simbriquant lun dans lautre. Lécriture de Marie-Claire Bancquart est palpable. Elle-même nous touche, nous effleure et nous remue, caressante et lapidaire. Et, palpable, elle nous échappe, devenant une source questionnante qui bruit.
Tout est voyage : réel, historique, intérieur. Non voyage dune «touriste» mais dune «citoyenne» avec son engagement dans le sentier des mots qui traverse tant déchos et de mémoire.
«Ces pays,
que murmurent-ils maintenant au milieu des bombes
sinon la nostalgie douverture aux légendes
jadis, dans le ciel vacant malgré les combats ?»
Une révolte sourd de cette profondeur de la langue, une révolte qui dit linsoutenable pesanteur de lêtre lorsque lêtre déchoit et que le sang ruisselle. Révolte et découvertes. Ce livre, qui peut être lu comme un carnet de voyage (Mexique, Pérou, Argentine, Ceylan, New-York, Québec, Italie, etc.) prend une tournure de reportages et de notes intimes entrecroisés ; de photographies révélées par des touches sensibles et fixées dans un temps mouvant.
«Femme,
dans la vitre dun compartiment de métro,
sous un tunnel,
tu aperçois ton visage
pas bien précis
à la semblance
dune photo tremblée, quon ne retiendra pas.»
Si Marie-Claire Bancquart transcende le quotidien, lordinaire, le détail, le peu, cest avec un sens aigu de la substance, de la palpitation du monde. Et le terme «froideur» exprimerait les contraire et opposé exacts dune telle parole. Chaleur, donc. Et chaleur plus quhumaine : fraternelle. Avec tout ce qui vibre, tout ce quenlacent les mots. Il ny a pas décriture de femme, non. Pas plus quil ny a décriture de gays, de noirs ou de dieu sait quel autre concept réducteur. En revanche, il existe une écriture propre à certains êtres qui ont goûté la vie dans ses diverses teneurs : amère, sucrée, salée, acide
La vie qui dégouline comme de la confiture ou qui se dessèche comme une figue.
Et des pépins, quen fait-on ? Pour un temps, on les oublie entre les mots. Ceux de cette poésie qui nous offre tant de saveurs. Et qui nous fait, nous-mêmes, nous réfléchir. Et quelle sensualité du monde remplit ces pages dont on ne se détache quavec regret tant elles allègent le poids des ombres !
Daniel Leduc ( Mis en ligne le 13/02/2004 ) Imprimer | | |