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Littérature -> Littérature Américaine |
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L’absurdité de l’ailleurs… | | | Kurt Vonnegut Le Petit oiseau va sortir Grasset 2011 / 20 € - 131 ffr. / 372 pages ISBN : 978-2-246-76751-0 FORMAT : 13cm x 19cm
Traduction de Christophe Mercier Imprimer
Un recueil de quatorze nouvelles inédites de l'auteur américain Kurt Vonnegut, inscrites dans le contexte des années 50, époque de leur écriture. L'auteur y apporte un regard désenchanté, souvent naïf et surnaturel, mais sans concession, sur ses semblables et lépoque où elles sont écrites.
Ce recueil regorge dhumour, de loufoquerie et de fantaisie ; on y trouve le portait d'un pays et "de son petit peuple de laissés-pour-compte, de dépressifs, d'introvertis, d'opportunistes". Souvent, le sourire disparaît au fur et à mesure de la lecture et laisse place à une grimace plus douloureuse. Dans Confido, un employé banal invente un objet qui lit toutes nos pensées, même (surtout !) les plus basses ou celles qui sont inavouables. Il espère devenir millionnaire en le vendant. Avec Fubar, un employé dépressif tient son bureau au fin fond dun gymnase où il ne voit jamais personne. Sa vie va changer avec larrivée dune secrétaire. Ed Lubys Kay Club nous compte lhistoire dune ville sous lemprise dun seul homme riche et puissant. La police, les juges travaillent pour lui. Comme dans un «mini-thriller», le héros va se trouver pris au piège. Dans Les Gentilles petites créatures, la science-fiction se fait une place dans le quotidien dun homme. Il découvre dans un objet 6 petits humains qui vont laccompagner pendant quelques heures.
Avec Les Fourmis pétrifiées, Vonnegut est vraiment dans l'exercice de style : des scientifiques russes (des myrmécologistes pour être précis) mettent à jour une fourmilière très très ancienne fossilisée dans la roche. Ils l'observent et découvrent que les fourmis d'alors avaient atteint un degré de civilisation proche du nôtre, avant d'être ravalées au rang de société industrieuse et collectiviste. Des soldats autour d'eux les incitent à faire passer la trouvaille pour un phénomène qui va servir l'idéologie communiste. On va retrouver alors dans cette société de fourmis les traces de lantagonisme entre une société collectiviste et leurs «tortionnaires» totalitaires : ««De toute évidence, dit Borgorov, voici ce qui sest passé» Il prit le copeau montrant en bas-relief le combat de la fourmi dépourvue de pinces contre dinnombrables guerrières. «Il existait des fourmis hors-la loi, comme celle qui se trouve au centre, des capitalistes qui attaquaient et exploitaient les travailleuses, les tuant impitoyablement, comme on le voit ici, un grand nombre à la fois». Il posa la mélancolique pièce à conviction, et souleva la maison dans laquelle les fourmis sans pinces étaient entassées. «Et là nous avons une réunion de fourmis hors la loi en train de conspirer. Elles complotent contre des travailleuses.» Il montra les fourmis soldats devant la porte. «Heureusement, leur complot a été surpris par des travailleuses vigilantes» (p.299).
Peu de «happy ends» tout au long de ces lectures ; une curieuse impression de malaise souvent même, soutenue par lécriture âpre et sans concession esthétique, qui peut, sans en avoir lair, finir pas nous glacer le sang au bout de quelques pages.
Né en 1922 dans une famille d'émigrés allemands, l'Américain Kurt Vonnegut est mobilisé pendant la guerre et se retrouve, en 1945, prisonnier à Dresde. Il survit au bombardement de la ville mais se voit contraint par les nazis de déterrer les cadavres. Cette folie humaine ne cessera de le hanter, nourrissant des romans comme Abattoir 5, son chef-d'uvre. Rentré aux Etats-Unis, Vonnegut demeure un pessimiste absolu mais aussi un maître de l'absurde, capable d'un humour carnassier. Curieusement, ce porte-parole de la contre-culture, adulé par les lecteurs américains des années 1960 jusqu'à sa mort (en 2007), est peu connu en France. Plus discret dans les dernières années de sa vie, il sortit de son silence pour rédiger, en 2005, Un homme sans patrie, s'en prenant avec virulence au président Bush. Une saine et éclatante colère.
Michel Pierre ( Mis en ligne le 11/05/2011 ) Imprimer
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