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Percy, Sarah, Robert et les autres | | | Julia Glass Les Joies éphémères de Percy Darling Editions des Deux Terres 2012 / 23.50 € - 153.93 ffr. / 648 pages ISBN : 978-2-84893-115-9 FORMAT : 13,0 cm × 20,5 cm
Sabine Porte (Traducteur) Imprimer
Un épais roman (649 pages) de Julia Glass, romancière américaine qui a déjà publié Jours de juin, Refaire le monde, Louisa et Clem. Laction se passe en Nouvelle Angleterre, entre Boston et Harvard, avec New York à lhorizon. Le héros et narrateur, Percy, bibliothécaire à la retraite, 70 ans, vit seul dans une ancienne ferme quil avait naguère acquise pour une bouchée de pain avec son épouse Poppy, alors que, jeunes mariés, ils sapprêtaient à fonder une famille. Ils y ont eu deux filles, Clover et Trudy, y ont été heureux très -, se baignant chaque jour dans létang au pied de la maison. A lépoque, la campagne de la Nouvelle Angleterre nétait pas à la mode et le village de Matlock était un village «normal», avec ses fermes, ses artisans... Il revit idéalisé dans les souvenirs du narrateur qui se réfugie dans la nostalgie face à un présent dont il naime pas grand chose.
Au moment où commence le roman, Percy est veuf - on napprendra que plus tard les circonstances de la mort de Poppy. Il a élevé ses deux filles aux trajectoires totalement différentes : Trudy, la cadette, celle qui réussit tout, oncologue réputée, épouse heureuse dun médiateur en divorces, et mère dun fils, Robert, brillant étudiant à Harvard et petit-fils préféré du narrateur. Clover, laînée, a eu une vie plus complexe, une adolescence plus chahutée, avant dépouser un comptable dont elle a deux enfants, Lee et Filo, quelle a brusquement quittés sans raison apparente. Stabilité/instabilité : deux tempéraments opposés pour deux surs qui ne sapprécient guère.
Toute laction se déroule autour de ce noyau familial (avec le souvenir omniprésent de labsente, Poppy), vu par les yeux de Percy qui prend un malin plaisir à jouer les vieux ronchons réactionnaires. Il faut dire quil voit disparaître à vive allure la campagne tranquille quil avait adoptée avec Poppy, au profit dune nature envahie par les bobos qui la reconstruisent au rythme de leurs engouements. Clover obtient de Percy quil loue à une école primaire branchée, au doux nom de Fées & Follets, la grange où Poppy enseignait la danse. A contrecur, Percy acquiesce pour donner une nouvelle chance à son aînée. En fait, à partir de là, toute sa vie est bouleversée.
Au départ, un minuscule détail : lachat désormais indispensable dun maillot de bain pour ses baignades quotidiennes qui pourraient se dérouler sous les yeux des jeunes enfants. Julia Glass construit autour de Percy toute une société : Sarah, la vendeuse du maillot, Celestino, louvrier sud-américain, immigré sans papiers, qui entretient la propriété de la riche et snob voisine de Percy, Laurel. Ira, linstituteur, qui vit de façon discrète pour éviter de scandaliser les parents, avec Anthony, avocat brillant ; Turo lami de Robert
Des liens se nouent entre tous ces personnages que Julia Glass suit et quelle intègre au récit central, toujours fait par Percy qui alterne le «je» lorsquil donne ses sentiments, et le «il» lorsquil décrit de façon plus neutre le déroulement de laction.
En lespace dune année scolaire, lunivers bien rangé, civilisé, contrôlé, de Percy explose sous les coups de boutoir des uns et des autres. Percy (re)découvre lamour, la maladie, la violence politique, le conformisme, les vraies personnalités des différents membres de son entourage et même lhistoire cachée des premiers habitants de sa maison à lépoque héroïque des débuts de lAmérique
Julia Glass sait et adore ! - multiplier les histoires individuelles, et les faire converger en un récit unique qui les englobe sans les affadir. Elle sait aussi donner une vraie dimension à chacun de ses personnages, quon les entrevoit le temps dune page ou deux ou quon les suive tout au long du récit. Ici, on trouvera sans doute un affaiblissement à la fin du roman qui se termine de façon un peu abrupte et ouverte à la fois.
On aime le sens de lhumour de Julia Glass, même sil est parfois un peu systématique, mais surtout lunivers du roman familial avec ses rôles attendus mais aussi parfois déconcertants. Un roman foisonnant, bien fait, qui offre quelques échos lointains de La Pastorale américaine de Philip Roth.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/06/2012 ) Imprimer
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