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Vies ignorées
Entretien avec Tarun J. Tejpal - (Histoire de mes assassins, Le Livre de poche, Avril 2011)


- Tarun J. Tejpal, Histoire de mes assassins, Le Livre de poche, Avril 2011, 604 p., 8 €, ISBN : 978-2-253-13350-6

Première publication française en Septembre 2009 (Buchet Chastel)

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Parutions.com : Votre roman délivre-t-il selon vous un message ?

Tarun J. Tejpal : En tant que romancier, je n'aime pas l'idée d'être prescripteur. Je pense que c'est plutôt la mission d'un journaliste et je le fais d'ailleurs en tant que journaliste tous les jours. Mais comme romancier, je nage plutôt dans le doute, j'explore tout le temps, et je découvre sans cesse. Comme journaliste, je sais toujours distinguer ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, sur tout sujet. Comme romancier, je ne sais jamais. Quand vous pénétrez l'immense dimension de la condition humaine d'un point de vue littéraire, il est alors bien plus compliqué de distinguer le bien du mal et de dire qui sont vraiment les gens. Mon défi en écrivant le roman fut d'exposer les histoires de gens dont les vies ne sont jamais racontées car je crois que le plus grand challenge d'un romancier est de labourer ce terreau pour découvrir ce qu'il renferme. D'une certaine manière, les histoires des classes laborieuses. Ici, il s'agit des couches sociales les plus défavorisées d'Inde mais il pourrait s'agir de n'importe quel endroit. Beaucoup d'auteurs indiens écrivant en Anglais racontent le plus souvent les histoires d'une certaine catégorie sociale, ce qui ne m'intéresse pas. Des gens qui, comme vous et moi, jouissent de certains privilèges et d'une formation particulière, considèrent hâtivement que les pauvres n'ont pas d'existences réelles, que nous seuls pouvons avoir des vies riches et complexes. Nous pensons être les seuls à pouvoir parler d'émotions à longueur de journée, à aller en thérapie, à souffrir d'angoisse et ressentir de la joie, et nous imaginons que les pauvres se contentent de manger, déféquer et mourir. Je pense donc que mon but réel fut de rendre d'une certain façon de la dignité à ces classes défavorisées et faire comprendre que ces gens ont des vies aussi denses et compliquées que les nôtres. C'est pourquoi je dis toujours que le roman parle surtout des «Assassins», des classes les plus miséreuses d'Inde, dont les histoires ne sont jamais dites.

Et s'il devait y avoir ici un message voilé, un message dissimulé, je pense qu'il s'agirait de ce sentiment d'empathie. Cette façon de pouvoir imaginer et habiter la peau d'un autre. C'est pour moi le grand défi de la modernité car nous avons perdu cette capacité à imaginer l'existence de l'Autre. Et la plupart des conflits que nous voyons à travers le monde, que l'on soit au niveau de l'individu ou à celui des nations, se fonde sur cette incapacité à se mettre à la place de l'Autre. Ce livre est donc une tentative pour moi et ceux de ma classe d'imaginer la vie des autres. Au début, quand m'est venue l'idée du roman en 2003, avec ce titre, Histoire de mes assassins, le concept fondateur que je voulais traiter était que, à bien des égards, les vies des assassins ne valent ni plus ni moins que celles de ceux qu'ils veulent assassiner. Mais avec le temps, alors que l'écriture épaississait le roman, celui-ci s'est complexifié et enrichi de couches successives, de nombreux autres infratextes.

Parutions.com : Qu'est-ce qui conduit d'après vous le lecteur à éprouver cette empathie, ce respect pour les assassins ?

Tarun J. Tejpal : C'est qu'on leur a fait du mal avant qu'ils n'en fassent ; leurs vies ont été dévoyées, détournées du droit chemin. Ces individus sont dans l'erreur ; ils ont été conduits à l'erreur ; ce sont des victimes avant d'être des bourreaux. Là est l'idée de départ : ces assassins sont autant des victimes que des criminels. J'ai donc pris chacun d'entre eux et suis remonté jusqu'à leurs enfances, pour raconter leurs histoires. Parce qu'à ce temps de l'innocence, nous sommes encore blancs de nos péchés, avant que le monde n'arrive à nous et que nous devenions autre chose.

Parutions.com : Que pouvez-vous dire du ton que vous utilisez dans le roman ?

Tarun J. Tejpal : Je trouve intéressant que vous posiez la question car j'ai passé deux ans et demi à me battre à écrire ce livre sans parvenir à instaurer un ton. Je n'arrivais pas à définir la voix avec laquelle raconter mon histoire et traiter mon matériau. Et ce matériau, pour moi, était très complexe car l'Inde est sans doute l'un des pays les plus compliqués du monde. Mon défi fut de raconter toute ces Indes dans une seule narration. L'Inde offre une diversité ahurissante si vous prenez en compte les riches, les pauvres, les classes moyennes, les castes, les communautés, les religions, les langues. C'est un puits sans fond ! Un des enjeux du roman fut pour moi de donner une image authentique de cet ensemble. Mais je n'arrivais pas à définir un ton. Puis, quand m'est venue la voix de ce narrateur si désagréable, bourru et mauvais, ce fut plus facile de commencer à raconter l'histoire et exprimer mes pensées. J'avais besoin d'un ton qui pût contrebalancer l'histoire des assassins, contrebalancer celle de Sara ; or, ce narrateur, par son cynisme et sa bêtise, offre une voix idéale. Parce qu'il ne s'agit pas d'une histoire qu'une voix honnête peut raconter. Si vous deviez aborder le sujet d'une manière honorable, on tomberait dans une sorte de sentimentalisme banal. J'avais donc vraiment besoin d'un ton dur, légèrement effrayant, afin de pouvoir traiter tout ce matériau. C'est ainsi que j'ai vu les choses. Et ce n'est qu'à partir du moment où j'ai pu identifier cette voix que l'écriture du roman, subitement, est devenue possible.

Parutions.com : Était-il initialement dans votre intention que la voix de Mr Sarbacane raconte également les histoires des assassins ?

Tarun J. Tejpal : Comme vous savez, les histoires sont en fait transmises par Sara, sa maîtresse. Sara est devenue un outil narratif et un personnage très intéressant, parce qu'elle croit coûte que coûte en l'innocence des assassins. Son point de vue est systématique contestataire : c'est une protestataire professionnelle, une opposante née, et elle contexte aussi tout ce que l'Etat peut faire. Peu importent les faits, elle n'y porte d'ailleurs même pas attention, elle postule toujours que l'Etat a tort. Et l'on ne trouve pas des personnages comme celui-ci n'importe où. Ce sont des personnages formidables, je les adore mais leur point de vue est simple : pour eux, l'Etat est du mauvais côté et s'y opposer est donc la meilleure chose à faire. Sara est ainsi convaincue dès le départ de l'innocence des assassins. Elle devient de la sorte un excellent moyen pour explorer et raconter leurs histoires. Dans un certain sens, les histoires découlent de ses enquêtes, puisqu'elle est celle qui est là pour les sauver, qui va en prison et parle avec eux. Elle pense que la narrateur qui fut assassiné est celui à blâmer pour avoir été assassiné, et que les assassins sont ces innocents qu'il faut libérer !

Parutions.com : Avez-vous dû mener des recherches lors de l'écriture ? Le roman est riche en détails sur l'histoire et la situation politique actuelle de l'Inde, sur ses sous-cultures, sa géographie...

Tarun J. Tejpal : Mon approche de la recherche est assez minimaliste. L'image que je revendique est celle du cerf-volant : le fil représente les faits issus de la recherche ; il doit y en avoir assez pour maintenir le cerf-volant ancré au sol. Le cerf-volant représente quant à lui le récit ; il doit rester maintenu au sol, ne pas voler librement. Mais le travail de l'écrivain est de faire danser ce cerf-volant ; ce n'est pas le rôle de la ficelle. C'est l'imagination qui doit permettre au récit de danser. Sinon... J'ai lu tant de livres où le poids de la recherche est tel que l'imagination s'y noie. Selon moi, une grande partie de la littérature romanesque consiste à raconter les vies intérieures, à dire les émotions ; et pour cela, on ne peut pas faire de recherche. Il fait être animé de l'imagination permettant d'exhumer ces sentiments. Mais vous avez aussi besoin en effet d'un cadre factuel pertinent. Je fais donc les recherches qu'il faut pour m'assurer de la pertinence de cet arrière-plan factuel et je laisse ensuite l'imagination prendre le relai pour raconter l'histoire.

Parutions.com : En racontant les vies de ces assassins, remontant le temps jusqu'à leurs enfances, aviez-vous dès le départ une idée claire de ce que vous alliez écrire ?

Tarun J. Tejpal : Non, les histoires ont surgi au fur et à mesure de l'écriture. Cela fait partie du côté excitant de l'écriture. Je n'écrirais pas si je savais parfaitement ce que je devrais écrire. Vous n'avez par conséquent qu'une idée assez vague de l'histoire que vous essayez de raconter, puis les personnages émergent au fil des pages. Et au bout d'un certain temps, vous ne les contrôlez plus – ils ont leurs propres vies et s'enracinent dans leurs propres personnalités. Il sourdent du livre au fur et à mesure que l'écriture avance.

Parutions.com : Comment caractériseriez-vous votre méthode d'écriture ? Passez-vous par beaucoup de réécriture ?

Tarun J. Tejpal : Non, pas vraiment. J'ai très peu de temps. 95 % de mon temps est pris par Tehelka, le magazine d'informations dont je suis le rédacteur en chef. C'est le genre de magazine qui est toujours au coeur des batailles les plus sombres contre le pouvoir et l'argent. Ce qui me laisse très peu de temps pour l'écriture. L'essentiel de ma vie est donc pris par le journalisme et il me faut dès lors débusquer du temps pour écrire. La chose la plus intelligente que j'ai jamais faite fut de comprendre il y a sept ans que je ne jouirais jamais de ce confort qu'est avoir assez de temps pour écrire. Que je n'aurais jamais un bureau dont la fenêtre donnerait sur un arbre et que je pourrais m'y attabler et écrire en écoutant le chant des oiseaux. J'ai compris que si je voulais écrire, ce serait à pas de course, en capturant l'instant où que ce soit. C'est de cette manière que j'ai écrit mon premier roman, Loin de Chandigarh (The Alchemy of Love), et celui-ci de même. L'écriture a eu lieu dans des avions, des salons et des chambres d'hôtel, le matin tôt avant d'aller au travail, tard le soir après le dîner, lors de voyages en voiture, à n'importe quelle occasion où j'ai pu voler un peu de mon temps. Car ce luxe d'une pièce à part, avec vu sur les arbres, n'est pas le mien.

Parutions.com : Vous considérez-vous dès lors avant tout comme un journaliste ou comme un écrivain ?

Tarun J. Tejpal : C'est étrange mais en Inde tout le monde me connait en tant que journaliste pour mon travail avec Tehelka. Ce magazine a fourni de très importants sujets dans l'histoire de l'Inde, qu'il s'agisse d'histoires d'intérêt public, de corruption, de droits civils et leur violation. Nous faisons cela chaque semaine et de manière étendue. Mais en dehors de l'Inde, je suis très clairement connu de plus en plus en tant qu'écrivain. Au final, ces étiquettes m'importent assez peu. Je vais de l'avant et fais mon travail car il y a tellement à faire. Je laisse au reste du monde et aux médias le soin de me définir.

En quoi me vois-je le mieux ? En fait, avec les deux appellations. Je considère le journalisme comme quelque chose qui m'est extérieur, un devoir, une responsabilité. Et je suis très heureux d'honorer ce devoir. Mais il ne s'agit pas de moi ; cela concerne d'autres choses. Alors que l'écriture ne concerne que moi et m'est donc plus proche. Si vous me demandiez ce qui est le plus important, je dirais le journalisme et Tehelka, parce que ça me dépasse, que cela concerne le monde. Si vous me demandiez ce que que j'aime le plus profondément, ce qui m'est le plus intime, je répondrais l'écriture.

Parutions.com : Depuis combien de temps travaillez-vous pour Tehelka ?

Tarun J. Tejpal : J'ai commencé cette aventure en 2000. Tehelka a donc 9 ans. Mais j'ai fait du journalisme toute ma vie.

Parutions.com : Avez-vous toujours vécu en Inde ?

Tarun J. Tejpal : Oui. A 46 ans à présent, je n'ai jamais vécu ailleurs.

Parutions.com : Comment avez-vous commencé votre carrière de journaliste ?

Tarun J. Tejpal : J'ai commencé à écrire pour des journaux nationaux alors que je n'étais pas encore diplômé. Et le jour où j'ai récupéré mon diplôme, je suis rentré dans le journalisme... pour ne plus jamais en sortir. Quand j'étais à l'université, je voulais vraiment devenir écrivain à temps plein. Mais à l'époque, c'était un vœu pieux en Inde ; c'était juste impossible. L'idée, ce fut donc de faire du journalisme et m'en servir de tremplin pour finalement écrire. Mais il y eut tant à faire avec le journalisme que le temps a passé sans que je ne m'en rende compte.

Parutions.com : J'aurais souhaité avoir un éclaircissement au sujet de l'un des assassins, Kabir...

Tarun J. Tejpal : Mon assassin préféré...

Parutions.com : C'est celui qui fait ses études en Anglais, ce qui lui vaut beaucoup de désagrément. Est-ce que vous-même avez été scolarisé puis fait vos études en Anglais ?

Tarun J. Tejpal : Oui, en effet, je suis allé à l'école puis à l'université en langue anglaise. L'Anglais est ma première langue. Je pense, lis et rêve en Anglais ; c'est ma langue et celle que j'aime le plus. Mais par cela, je fais partie d'une classe privilégiée en Inde. Kabir M. est ainsi l'un de mes personnages préférés en grande partie parce qu'il fut traversé par deux des plus grandes lignes de partage indiennes. L'une d'elles est l'Islam. Kabir est musulman et subit donc de plein fouet les tensions entre Musulmans et Hindous. La seconde ligne de faille est qu'il a été façonné et malmené par l'Anglais. Je peux encore me rappeler les visages de ces écoliers qui, en classe avec moi, furent dévastés par cette langue. Il n'y avait aucun moyen de la supporter pour eux, parce qu'ils ne venaient pas de milieux les ayant préparés à cela, contrairement à moi. Ce qui pour moi coulait d'évidence était pour eux insurmontable. Il leur était impossible de rentrer dans les oeuvres de Dickens, Wordsworth ou Shakespeare ; ça les exaspérait. C'était des garçons de bon niveau, voire même excellents, mais l'école les a détruits parce qu'ils ne connaissaient pas la langue. En Inde, l'Anglais est la langue des privilégiés, de l'élite, du fait de notre passé colonial ; depuis trois siècles à présent, l'Anglais demeure la langue des privilégiés. Et c'est un très puissant discriminant social dans le mesure où ceux qui la maîtrisent ont toujours l'avantage sur tous ceux qui l'ignorent. De la sorte, Kabir M. incarne ma consternation sur les ravages qu'a causés cette langue auprès de nombreux Indiens.

Parutions.com : Est-ce que cela veut dire qu'aucune base n'était donnée à ceux qui le nécessitait ?

Tarun J. Tejpal : Quand vous veniez de familles ne parlant pas l'Anglais, ou de milieux où on l'entendait peu, comme dans les communautés parlant l'Hindi, la transition était extrêmement difficile. S'il est facile d'acquérir l'alphabet, lire Shakespeare dans le texte est une autre paire de manches. La disparité devenait donc rapidement gigantesque. Ce qui conduisait à beaucoup de perte de confiance en soi, de honte de soi, de perte d'estime en soi. J'ai assisté à cela tout au long de mes études. Je n'en avais pas vraiment conscience alors ; ce n'est que des décennies plus tard que j'ai compris à quel point l'Anglais avait pu être handicapant pour certains. Quand vous êtes nés dans un milieu privilégié, vous ne voyez pas ces choses.

Parutions.com : Et qu'est-ce qui a détérioré Chaku ?

Tarun J. Tejpal : Chaku est un personnage que le système des castes a détruit de bien des façons, à la fois par le système féodal et par les seigneurs. Et par désespoir, il attaque ces derniers usant du couteau comme d'une arme.

Parutions.com : Sa rébellion contre le système féodal est très violente en effet, comme le sont d'ailleurs les enfances de tous les assassins...

Tarun J. Tejpal : Beaucoup de critiques ont signalé le degré de violence de mon roman. Mais à la vérité, la société indienne est une société terriblement violente, contrairement à l'image de non-violence que l'on en retient. On sait très bien qu'y sévissent une violence de genres, une violence de castes, une violence religieuse, la violence domestique, celle contre les enfants, les animaux, les ravages de la langue... Si vous lisez la presse indienne, n'importe quand, vous serez saisie par le type de cruauté et de violence qui y prend place quotidiennement. La fausse image de non-violence dont jouit l'Inde vient très largement du Mahatma Gandhi. Cela ne revêt aucune vérité historique et ça reste faux aujourd'hui encore. Nous sommes réellement un peuple violent. Et la violence est quelque chose de très particulier ; c'est un peu comme l'amour car comme l'amour, son expression est grande et son ressenti énorme. Et comme lui aussi, elle revêt plusieurs visages. Ainsi, alors que dans mon premier roman j'explorais les différents visages de l'amour, ce sont ceux de la violence que j'envisage dans celui-ci. Et très souvent, quand les gens sont saignés par l'amour, ils finissent par exsuder leur violence. C'est ce que font, je crois, la plupart des personnages de ce roman.

Parutions.com : Est-ce aussi le cas avec l'assassin Hathoda Tyagi ?

Tarun J. Tejpal : Hathoda Tyagi... Hatha en Hindi signifie le marteau ; c'est l'instrument qu'il s'est choisi comme arme. Et c'est à peu près le même processus pour lui. Il est victime de la violence de castes, du viol de ses soeurs et de batailles domestiques. Ce que je voulais faire, et j'espère y être parvenu, fut de doter chacun des personnages de vies complexes. Il ne sont ni bons ni mauvais mais un peu des deux. Ce qui est vrai de chacun d'entre nous – nous sommes tous en partie des fruits gâtés. Notre part de morale et notre part de vice sont mêlées de la plus étrange des façons. C'est ce genre de synthèse que je voulais illustrer avec les assassins. Certains aspects de ces personnages sont infects et d'autres méritent notre respect. C'est la même chose avec Hathoda : il aime les animaux par exemple. Il tue les hommes mais il adore les chiens, ses vaches et ses boeufs. En fait, ce qui sauve le narrateur c'est qu'un chien se trouve en dehors de la maison et qu'il distrait Hathoda alors que ce dernier est venu pour le tuer. En tant qu'auteur, je m'intéresse peu aux personnages trop manichéens. J'essaye plutôt de me rapprocher de personnages réels, et tous les individus que j'ai connus dans la vraie vie n'ont jamais été totalement bons ni complètement méchants.

Parutions.com : Parlez-vous l'Hindi ?

Tarun J. Tejpal : Oui, bien sûr, je parle la langue mais je la lis et l'écris moins aisément. L'Hindi bénéficie d'une littérature très riche. L'Inde jouit en fait d'une trentaine de langages, fort chacun d'une littérature importante. Mais simplement parce que l'Anglais est la langue de la domination, des privilégiés et du pouvoir commercial, il monopolise les discours et les médias, de façon disproportionnée par rapport à ce qui devrait être. Des gens tels que moi bénéficient de cela, pendant que tant d'autres subissent cet état de faits.

Parutions.com : Avez-vous prévu d'écrire un prochain roman ?

Tarun J. Tejpal : Tout à fait, oui. Je ne veux pas trop en parler encore mais il s'agira d'un roman aussi différent d'Histoire de mes assassins que celui-ci l'est du précédent. Ce projet m'enthousiasme et j'y travaille d'ores et déjà. Il traitera d'un thème encore plus profond et universel que les deux premiers livres...


Entretien mené en Anglais par Lisa Jones le 19 juin 2009 (Traduction de Thomas Roman)
( Mis en ligne le 18/09/2009 )
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