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L'Homme... What else ?
Entretien avec Laurent Graff - (Selon toute vraisemblance , Le Dilettante, Mars 2010)


- Laurent Graff, Selon toute vraisemblance , Le Dilettante, Mars 2010, 154 p., 15 €, ISBN : 978-2-84263-187-1
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Laurent Graff présente avec Selon toute vraisemblance une série de nouvelles parfois drôles, parfois moroses, surréalistes avant tout. Il décrit un monde familier mais inquiétant, dont les personnages nous sont à la fois familiers... et tout à fait bizarres. Chacun des personnages principaux de ces dix nouvelles cherche une identité, est en quête de sens, et de la reconnaissance des autres. D’une plume sarcastique, noire aussi, mais toujours empathique, l'auteur nous invite à débusquer quelques pépites dans un monde sinon trop banal, et de réfléchir plus profondément sur notre condition d'être humain.

Parutions.com : Comment êtes-vous parvenu à lier ensemble dans un seul livre autant d’histoires courtes ?

Laurent Graff : Je n’ai pas voulu ce livre : il s’est fait. Certains textes sont des romans qui ont tourné court. D’autres étaient dès le départ destinés à devenir des nouvelles. Un thème commun s’est dégagé et a formé un tout cohérent. Mais je n’ai pas tout décidé. L’écrivain n’est pas maître de son livre, pas entièrement.

Parutions.com : Quels sont les thèmes importants pour vous ?

Laurent Graff : Les personnages de mes nouvelles sont tous confrontés à des situations de délitement. L’une perd les lettres de son nom, l’un n’est plus détecté par une porte automatique et reste enfermé, un autre est détourné du cours normal de sa vie, un autre encore perd les objets qui peuplent son quotidien… Etc. A travers ces différentes expériences, je cherche à mettre en question l’individu et ses composantes. L’individu n’offre pas, à mon sens, une définition satisfaisante de l’homme et de l’Être. Donc, je fais le ménage, j’équarris, je débarrasse, je jette toutes les couches superficielles qui constituent l’individu, et je vois ce qui reste.

Parutions.com : Quelle est alors votre définition de l'Homme ?

Laurent Graff : L’individu en soi est un cul-de-sac ; considéré comme référence suprême, une abomination. Ma définition de l’homme passe par un nécessaire dépassement, un besoin de transcendance.

Parutions.com : Le thème de la quête de sens dans un monde banal est très présent dans le livre. Quelle importance lui accordez-vous ?

Laurent Graff : On ne peut pas se satisfaire du monde dans lequel nous vivons et de l’absurdité de la condition humaine. La quête de sens, la recherche d’une raison sont inévitables. On peut aussi s’enfermer dans le nihilisme et le cynisme, mais je n’y vois pas grand intérêt. Je préfère me tourner vers la lumière, plutôt que de rester dans une noirceur amère.

Parutions.com : Comment avez-vous trouvé vos sujets ? En observant la réalité ou à travers votre imagination ?

Laurent Graff : Les deux. L’imagination ne vient pas de nulle part ; elle s'inspire forcément de la réalité. Je pars d'anecdotes que je récupère à droite et à gauche, et puis des choses surgissent. Par exemple, la nouvelle où cette jeune fille perd les lettres de son nom m’est venue comme ça, tout simplement.

Parutions.com : Dans quelle mesure vos propres expériences ont-elles influencé votre écriture ?

Laurent Graff : Il y a bien sûr des liens entre mon existence personnelle et ce que j’écris, mais je n’aime pas faire ce rapprochement. Je ne trouve pas ça très pertinent, pas très intéressant, tout au moins dans mon cas.

Parutions.com : Ne pensez-vous pas qu’il faut connaître l’auteur pour lire un livre ?

Laurent Graff : Ce n’est pas nécessaire. Il faut s’attacher au livre, à la parole de l’auteur, mais ne pas chercher forcément à mettre un visage ou une biographie sur le livre. La plupart du temps, tout cela n’est pas très intéressant. J’aime bien l’idée d'une certaine clandestinité dans l’écriture.

Parutions.com : Pourquoi pensez-vous que cela n'a pas d'intérêt ?

Laurent Graff : De manière générale, la vie que l’on mène ne retient pas beaucoup mon attention. C’est un agrégat de circonstances et d’anecdotes aléatoires, qui peuvent être charmantes, mais je préfère m’en détourner, souvent avec ironie, pour m’attacher à d’autres niveaux d’existence. Je crois en effet que la vie est décomposable en plusieurs strates. Le quotidien serait la couche superficielle. Puis nous abordons le monde de la pensée, des idées, des rêves, ou encore notre vie biologique, notre dimension sacrée.

Parutions.com : Vous avez beaucoup recours à l’humour pour exprimer vos points de vue et développer les personnages. Qu'apporte selon vous ce ton sarcastique et ironique ?

Laurent Graff : L’humour, l’ironie, le sarcasme, sont des outils de décapage. C’est aussi une manière d’attirer le lecteur, de le retenir, de le surprendre, de le choquer, de le blesser, bref de l’atteindre. L’écriture est manipulatrice.

Parutions.com : Vous alternez les focalisations dans ces nouvelles, passant de la première à la troisième personne. Comment s'est opéré votre choix ?

Laurent Graff : J’ai l’habitude d’écrire à la première personne. Mes romans sont quasiment tous écrits à la première personne, sauf un pour lequel je recours à la figure impersonnelle du «on». Mais ici, pour ce recueil de nouvelles, j’ai essayé de varier les points de vue, pour ne pas donner l’impression qu’il s’agissait d’une voix unique. Ce souci de variété m'a conduit à changer la figure du narrateur.

Parutions.com : Dans la première histoire, le narrateur affirme qu’il est si commun qu’il est difficile de le décrire, alors que le déroulement de l’histoire le place dans une situation tout sauf normale, et en fait un individu éminemment imperceptible. Quel sens donnez-vous au rapport entre le banal et l'extraordinaire ?

Laurent Graff : Le banal, à force d’absurdité, devient parfois surréaliste. D'une situation très simple, facilement identifiable, on peut déboucher sur quelque chose d’extraordinaire. Ces couacs existent potentiellement partout dans la réalité. Tout autour de nous peut déraper subitement, emprunter des voies inattendues. En fait, il s’agit surtout de modifier la nature de notre regard.

Parutions.com : Visez-vous une écriture métaphorique, parabolique ? Par exemple avec la jeune fille qui perd les lettres de son nom : elle en perd son identité et, finalement, la vie...

Laurent Graff : Oui, bien sûr, j’écris des fables, des paraboles, des allégories, mais en partant toujours d’une réalité simple. Je construis comme ça des histoires qui contiennent plus de sens qu’il n'y paraît, peut-être...

Parutions.com : Avez-vous déjà écrit avec un style plus réaliste ?

Laurent Graff : Sans doute, au début, oui. Mais à présent, je vais de plus en plus vers le surréalisme, le fabuleux, le merveilleux. C’est une porte dérobée que j’aime bien, aux côtés de celles de la poésie et de l’absurde. Le surréalisme permet de court-circuiter un peu la réalité, de l’éclairer d'une teinte différente. Et ça me permet de faire passer avec plus de légèreté mes messages.

Parutions.com : Quels sont vos auteurs préférés ?

Laurent Graff : Je ne lis pas beaucoup, plus beaucoup. Quand j’étais jeune, je lisais, mais maintenant je ne lis plus beaucoup.

Parutions.com : Pourquoi ?

Laurent Graff : Je n’ai plus envie. Je n'éprouve plus assez de plaisir à lire. Et puis j’aime bien le fait d’écrire dans une sorte de désert, de vide, sans influences, sans références.

Parutions.com : Mais vous avez lu quand vous étiez plus jeune…

Laurent Graff : Oui, bien sûr, j’ai commencé à découvrir la littérature et le monde du livre avec Jules Verne, Boris Vian, Céline, et puis j’ai lu les œuvres complètes de Racine – je n’ai rien compris, mais j’aimais beaucoup la langue. J’ai découvert des auteurs contemporains : Beckett, Ionesco, pour le théâtre, Jean-Philippe Toussaint, Jean Echenoz, pour le roman, sont des auteurs que j’aime bien. Mais il ne faut pas m’en demander trop, je ne connais pas grand chose.

Parutions.com : Avez-vous de nouveaux projets ?

Laurent Graff : Je suis en train de terminer un roman. Un film tiré de mon livre Voyage, voyages doit sortir prochainement sous le titre La Tête Ailleurs.


Entretien mené le 13 avril 2010 par Sarah McDonough
( Mis en ligne le 14/05/2010 )
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