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Le chagrin et la pitié
Bruno Tessarech   Les Sentinelles
Le Livre de Poche 2011 /  6.95 € - 45.52 ffr. / 375 pages
ISBN : 978-2-253-13445-9
FORMAT : 11cm x 18 cm

Première publication en septembre 2009 (Grasset)
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Pourquoi, alors que nous savons aujourd'hui avec certitude que les Alliés ont été à maintes reprises renseignés, et par des sources diverses, sur l'extermination des Juifs d'Europe, la Shoah n'a-t-elle pu être évitée ? Soixante-dix ans après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, la question taraude encore les historiens. Que les Alliés aient su, avec plus ou moins de détails, plus personne ne peut désormais le nier ; pourquoi, par quel concours de circonstances n'ont-ils pas tenté, ou avec si peu d'efficacité, de mettre fin au sinistre projet nazi, voilà une question sur laquelle les historiens buttent encore. Parce qu'il n'y a pas de réponse satisfaisante, parce que les arguments exposés sont affligeants, au regard de la tragédie qu'on a finalement laissé se dérouler.

On aurait voulu croire que personne hormis les nazis n'avait rien su, que la responsabilité reposait tout entière sur le dos des bourreaux, qu'une fois ceux-ci jugés par les tribunaux de l'Histoire, la reproduction d'une telle horreur s'avérerait impossible. Or la réalité est autrement complexe, car beaucoup plus nombreux qu'on ne peut l'imaginer sont ceux qui l'ont vue, qui l'ont dite, qui l'ont criée même, sans pour autant parvenir à empêcher l'extermination de six millions de Juifs et près de cinq cents mille Tziganes.

Loin d'avoir épuisé le thème, la littérature n'en finit pas de reposer les questions auxquelles la science historique peine à répondre. Fort des derniers travaux de la recherche, Bruno Tessarech nous conte la chronique de cette catastrophe annoncée, et ce dès 1938 : à cette date, le sort des Juifs semblait déjà joué, à en croire l'égoïsme et l'indifférence dont firent preuve les nations pourtant encore en paix, pinaillant sur le nombre de réfugiés qu'elles accepteraient d'accueillir...

Mais la vraie catastrophe était à venir, et l'auteur se penche sur le destin de quelques hommes qui en ont été témoins, de près ou de loin, et dont les alertes se sont heurtées à la surdité, la passivité ou les atermoiements de ceux qui auraient pu agir, mais qui ont finalement laissé faire. On suit ainsi les pérégrinations de trois hommes, les «sentinelles» de ce secret impossible à transmettre : Pascal Orvieto d'abord, jeune diplomate exilé à Londres et devenu intermédiaire entre de Gaulle et le prestigieux MI6, dont les spécialistes du décodage gardent le silence sur leurs découvertes par peur que les nazis ne se sachent dévoilés ; Kurt Gerstein ensuite, tombé dans les rets du nazisme par ambition plus que par conviction, et forcé d'assister, atterré, aux exterminations ; du résistant polonais Jan Karski enfin, dont les révélations sur l'existence des camps de la mort se sont heurtées au mieux à l'incrédulité, au pire à l'indifférence générale. Comme celle, parmi d'autres, du célèbre ingénieur Wernher Van Braun, pour lequel les milliers de victimes du camp de Dora ne furent que les dommages collatéraux d'une recherche scientifique qu'il plaçait plus haut que tout et qui lui permit d'achever glorieusement sa carrière après guerre à la NASA. Et que penser de de Gaulle, Churchill et Roosevelt, qui tous ont eu vent de ce qui se tramait, mais qui par impuissance, raison d'Etat, ou parce qu'ils étaient tenus par les priorités de l'effort de guerre, ont laissé faire ?

Tous ces hommes, hormis Orvieto, le seul inventé pour les besoins du récit, ont existé et connu un destin digne de celui de personnages de romans. Et c'est de façon tout à fait légitime que Bruno Tessarech les introduit dans ce qui ne se veut pas une étude historique, mais un roman au service de l'Histoire. Avec le constat tragique que les hommes, et même ceux qui sont devenus les icônes que l'on sait, pèsent parfois bien peu, perdus dans les rouages de la diplomatie, de la politique et de leurs intérêts contradictoires.

Dans son roman fleuve, Les Bienveillantes, Jonathan Littell avait déjà montré la parenté qui se dégageait du récit des horreurs du nazisme avec la tragédie grecque ; ici encore, à la manière d'un drame antique, Bruno Tessarech nous dépeint les grands hommes aussi bien que les témoins de passage, comme les jouets de dieux pervers actionnant une machine infernale. Et au terme de notre lecture, osant plagier Ophüls, deux sentiments de nous submerger : le chagrin et la pitié.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 25/07/2011 )
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