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Littérature -> Poches |
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Orange mécanique à la japonaise… | | | Ryù Murakami Chansons populaires de l’ère Showa Philippe Picquier - poche 2013 / 7.50 € - 49.13 ffr. / 215 pages ISBN : 978-2-8097-0943-8 FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm
Première publication française en août 2011 (Philippe Picquier)
Sylvain Cardonnel (Traducteur)
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Cest une banlieue de Tokyo qui suinte lennui et le béton ; on y trouve un groupe de six hommes, jeunes, dans la trentaine, revenus de tout et surtout de toute émotion, qui errent dans leur quartier comme dans leur vie. Rien ne semble les toucher, ils sont ensemble quelques moments dans la semaine, pour regarder le temps passer en buvant de lalcool, en jouant les voyeurs auprès dune voisine, en jouant à «pierre papier ciseaux» et surtout en partant faire de grandes virées de karaoké sur une digue au bord de la mer.
Un soir, tout cet équilibre dénué de sentiment et d'émotion vacille : lun dentre eux, au cours dune promenade, rencontre une femme pour laquelle il ressent une pulsion autant sexuelle que morbide ; il sort son couteau et légorge, sans aucune parole, repartant de son crime en riant compulsivement. Cest le déclenchement dune violence inouïe : car la femme égorgée faisait partie dun groupe de six femmes, «le clan Midori», qui se réunissent régulièrement, sans rien dautre en commun que leur prénom (Midori), le célibat, et le fait de ne jamais avoir connu lorgasme ; bref, lexact symétrique féminin du groupe des six hommes.
Ce premier meurtre va en appeler un autre, puis dautres encore jusquà un déchaînement de violence à la fin : on commence au couteau, et l'on termine par une bombe qui va anéantir tout un quartier de Tokyo, le tout dans une absence totale démotion dun côté comme de lautre. Des deux côtés, masculin, féminin, cest la recherche à tout prix de la vengeance mortelle qui va peu à peu structurer les groupes : on élabore des stratégies, on recherche les armes les plus efficaces, on surveille «lennemi», sans aucune considération pour les morts qui jonchent peu à peu les pages du livre. Les deux groupes ne se connaîtront, ne se rencontreront quà travers les meurtres perpétrés à tour de rôle, comme une macabre partie de ping-pong.
On ne peut guère être transporté démotion à la lecture de ce livre, tant latmosphère est glaciale et la morale de lhistoire pessimiste : Ryû Murakami a une vision tellement noire de son pays quil fait de ses compatriotes féminins et masculins des êtres totalement désincarnés, incapables dautres désirs que celui de tuer, et même ce désir ne leur procure aucune émotion. On est obligé de reconnaître cependant un grand styliste dans lauteur de ces Chansons populaires de lère Showa ; des phrases courtes, toutes en efficacité, en froideur au service de lhistoire, un style particulièrement maîtrisé, non dépourvu dun humour glacial mais terriblement présent. Les mots de Murakami sont aussi cruels que ses héros.
«Après plus de trente-cinq ans dexistence, les Midori faisaient pour la première fois la découverte dautrui. Elles réfléchirent et décidèrent scientifiquement de la manière de tuer. Lorsque toutes furent convaincues, elles se prirent par la main et se mirent à pleurer
».
Murakami Ryû est reconnu comme lun des chefs de file de la littérature contemporaine japonaise. Après avoir étudié le design à luniversité des Beaux-Arts de Tokyo, il publie en 1976 son premier roman, Bleu presque transparent, qui obtient la même année le prestigieux prix Akutagawa, léquivalent du Goncourt au japon. Chansons populaires de lère Showa date de 1994.
Michel Pierre ( Mis en ligne le 11/11/2013 ) Imprimer | | |
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